Jeunesse et politique

Émilie Lecroq présentait le 15 mars dernier un rapport sur la jeunesse devant le Comité exécutif national du PCF. Après avoir montré combien les jeunes étaient les premières victimes de la crise et que le capitalisme était bien incapable de leur assurer un avenir, elle abordait la question des jeunes et de la politique. Extraits.

 

« La précarité est latente dans la vie d’un jeune au point d’en être un élément structurant. Mais même si cette précarité est commune à une grande majorité de la jeunesse, elle ne crée pourtant pas un front de lutte pour l’ensemble de la jeunesse. En effet, il existe des jeunesses, car au sein de cette précarité, il existe de nombreux degrés de précarité, souvent mettant en concurrence les individus entre eux, que ce soit à diplôme équivalent ou pour un même poste de travail. Mais également créant de réels fossés entre des jeunesses qui ne se croisent pas et ne communiquent que de façon marginale : les jeunes diplômés et les jeunes non-diplômés. Et plus la précarité grandit, plus la mise en concurrence devient forte et plus les fossés se creusent.

L’exacerbation de l’individualisme, de la mise en concurrence entre les jeunes eux-mêmes n’est pas sans conséquence sur la vision qu’ont ces derniers de l’action collective ou de l’action politique en termes d’efficacité, d’innovation, ou d’espoir. En effet, toutes les politiques menées contribuent à inscrire les jeunes dans l’éphémère. Ils ne s’inscrivent pas dans une histoire collective, ils vivent dans l’instant. Le rapport à l’histoire, qui fonde un engagement, est de ce fait très perturbé ! On développe en direction des jeunes une histoire culpabilisante, qui n’est pas leur histoire, ni celle de leurs parents... À cet éphémère s’ajoute le diktat de la société de consommation qui se traduit par un zapping politique : ni gauche, ni droite, on varie dans l’éventail politique selon les sujets et les propositions de chacun. Ainsi, un jeune peut être sensible aux injustices subies par le peuple palestinien et, dans le même temps, céder aux discours moralistes de la droite, stigmatisant son voisin Rmiste au profit de la France qui se lève tôt.

Ce morcellement idéologique retrouve sa traduction dans le sondage de l’Humanité où les jeunes plébiscitent à 68 % les services publics, tout en affirmant avoir une vision positive de la concurrence à 61 % et du libre-échange à 75 %.(…) Ces chiffres donnent à voir aussi bien le potentiel qui est devant nous que les défis que nous devons relever. Quand 83 % des jeunes sondés affirment que « la lutte des classes est toujours une réalité aujourd’hui », c’est un vrai motif d’espoir pour les idées communistes. Cela démontre tant notre capacité de mobilisation et d’action dans un avenir proche, que notre responsabilité à inscrire ces actions dans une perspective de long terme permettant de donner à voir tout le potentiel de notre combat communiste pour l’avenir et l’émancipation humaine

C’est bien le sens du communisme que nous devons reconstruire et rendre audible afin de bâtir une autre étape de notre réponse politique. Ce travail est une urgence face à une jeunesse en quête acharnée d’avenir au risque de voir d’autres y répondre, pour le pire, à notre place. Pour rappel, ce sont 23 % des moins de 35 ans qui ont voté pour la candidate du Rassemblement national au premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Pour cela, il nous faut prendre en compte la force de mobilisation que représente la jeunesse. (…) Cependant, l’incapacité de rendre ces mobilisations victorieuses alimente dans le même temps le fatalisme et laisse croire qu’aucune porte de sortie n’est possible.

La crise sociale que nous vivons exacerbe ce sentiment et la recherche de réponses individuelles face à l’urgence sociale dont les jeunes sont victimes. Il n’en reste pas moins que l’action collective, au travers de la manifestation et de la pétition, reste populaire chez les jeunes. Un jeune sur deux a déjà manifesté. Ainsi, contrairement aux idées reçues, les jeunes sont loin d’être dépolitisés ou apathiques d’un point de vue civique. Ils sont politisés autrement. Leur intérêt pour la politique, la chose collective, s’exprime malgré leur défiance envers le système, l’ordre établi ou le personnel politique.

C’est dans cette posture paradoxale que les jeunes entrent en politique et cela aboutit à une définition de leur citoyenneté plus critique, plus vigilante vis-à-vis de la démocratie et de son fonctionnement qu’ils expriment avec des formes d’expression non-conventionnelles.

En lien avec la question des nouveaux gestes, il faut travailler sur la question du sens de l’engagement pour prendre en compte leurs aspirations, leur exigence d’avenir... Les jeunes attendent des politiques qu’ils s’engagent. La défiance envers les politiques révèle en creux la panne de projet politique perçue par les jeunes. Notre capacité à démontrer qu’il ne peut y avoir d’issue sans engagement est essentiel. Si l’engagement des jeunes dans les partis politique est en crise, il ne faut pas oublier que tous les partis politiques ne sont pas de même nature : la place de la jeunesse dans un parti révolutionnaire ne peut être la même que chez ceux qui veulent en conserver les structures.

La réflexion sur nos pratiques militantes doit se mener en lien avec notre visée. Ceci doit pousser également notre parti à réinterroger nos pratiques, nos expressions et nos propositions afin de mettre en lien nos ambitions pour la jeunesse et nos gestes du quotidien. Car malgré tout ce qu’on peut dire, les jeunes s’engagent. Comme l’a montré la crise, les jeunes s’impliquent dans des associations capables de montrer un résultat concret et immédiat. Ce besoin d’immédiateté, de changement concret afin de se sentir utile est essentielle, et particulièrement pour les jeunes.

Ce besoin d’actions concrètes, nous devons le prendre en compte dans notre parti. Aujourd’hui, notre capacité à agir tout de suite pour répondre à l’urgence sociale, tout en inscrivant ces actions dans une perspective de changement, est essentielle pour répondre aux besoins des jeunes, redonner confiance dans l’engagement politique et gagner en crédibilité. Sur la base de ces analyses, nous pourrions construire notre réflexion d’actions, à court et long terme, autours de 5 grands axes :

  • La sécurisation des parcours de vie ;
  • La question de l’éducation, de la formation ;
  • La question démocratique ;
  • Les questions d’égalité face aux dominations ;
  • Les questions environnementales.

À partir de ces axes, nous pourrions travailler un « plan d’urgence pour la jeunesse » qui identifierait des mesures immédiates que nous pourrions inscrire dans une réflexion plus globale. (…) Naturellement, tout ceci doit s’accompagner d’une présence de notre parti sur l’ensemble des mobilisations initiées par les jeunes, (…) Ce travail doit naturellement, se faire en lien avec la JC et l’UEC. Dans le même temps, il est essentiel de développer nos actions de solidarité concrète à destinations des jeunes. (…)