Les arts de la rue sommés de se rentrer

L'annulation du festival ÉCLAT, qui devait se tenir ces jours-ci à Aurillac, crée un précédent qui soulève notre indignation.

La pandémie avait conduit à son annulation en 2020. Mais cette année, l'équipe organisatrice avait conçu, dans le plus grand respect des règles sanitaires, une édition allégée, plus étalée dans le temps, où toutes les mesures de sécurité étaient respectées. Pourtant la Préfecture du Cantal a procédé à son interdiction pure et simple, pour motifs « d'ordre public ».

Aurillac accueille la plus importante manifestation dédiée aux Arts de la Rue en France. Elle rassemble chaque année plusieurs dizaines de spectacles du monde entier et accueille plusieurs centaines de « Compagnies de passage ». Elle est depuis 1986 un rendez-vous incontournable pour tous les artistes de l'espace public et draine un public jeune, joyeux, populaire, souvent désargenté et que l'on dit parfois turbulent.

Nous sommes pour le moins étonnés que la décision de son annulation ait été prise sans qu'aucune raison autre que d'éventuels « troubles à l'ordre public » n'ait été évoquée. Comment comprendre cette décision ?

Nous sommes très étonnés du silence du Ministère de la culture, comme de celui des autorités locales, comme de celui de la présidente d'ÉCLAT Françoise Nyssen, qui inaugure bien mal son nouveau mandat !

Le mal est fait. Mais c'est de l'avenir du Festival ÉCLAT qu'il est question aujourd’hui, comme de l'avenir de toute création artistique dans l'espace public, qui exige autant et plus que toute autre de l'air et de la liberté !

« La rue est un théâtre à 360 degrés… » avait coutume de dire Michel Crespin, fondateur en 1986 du Festival d'Aurillac. La rue est le lieu de la rencontre la plus directe, la plus simple et souvent la plus poétique entre la création artistique et le plus large public, le plus jeune, le plus populaire. C'est aussi l'espace de la gratuité, pour la beauté du geste. Même si jusqu'à présent les nécessaires concessions mutuelles avaient été trouvés, cela n'a jamais plu à l'autorité…

L'annulation d'Aurillac dans ces conditions est un précédent qui soulève toutes les inquiétudes non seulement pour l'avenir de ce festival, mais aussi pour la nécessaire liberté, pour les artistes, de créer dans l'espace public et d'y rencontrer leur public. 

Le Parti communiste est évidemment aux côtés de la Fédération des Arts de la Rue et des artistes qui organisent ce mercredi 18 août, une manifestation artistique et revendicative qui sillonnera le centre-ville d'Aurillac, de la place Michel Crespin à l’Hôtel de Ville. Appel est lancé aux artistes et au public de rejoindre ce mouvement, pour faire de cette manifestation un moment de fête et de partage, pour la défense des libertés, et plus globalement la défense des droits fondamentaux. 

Nous réprouvons cette dérive aux accents sécuritaires qui aujourd’hui frappe les artistes de rue et toutes celles et ceux qui « cultivent l'imaginaire au grand air », occupent l'espace public et en détournent les codes et les fonctions, tout en y injectant la dose de poésie qui nous permet de vivre – encore – debout.

Pierre Dharréville, délégué national du PCF à la culture, député des Bouches-du-Rhône.

Le 17 août 2021