Les pays émergents, moteurs du changement mondial

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"Session plénière lors de la Conférence de Bandung"

Selon les projections d’institutions économico-financières, la Chine passerait devant les États-Unis d’ici 2030. Plus important encore, d’ici 2050, sept pays émergents représenteraient 50% du PIB mondial contre 20% pour les pays du G7.
La pandémie survenue depuis, puis la guerre contre l’Ukraine et la guerre économique contre la Russie, peuvent influer sur le rythme de ces évolutions pour tel ou tel pays mais la tendance de fond demeure, une vague qui vient de loin. En 1955, les représentants de pays décolonisés -une trentaine dont Nasser, Nehru, Soekarno, Chou en Lai- se retrouvaient à la Conférence afro-asiatique de Bandung, lançant le mouvement des non-alignés, appelant à la décolonisation contre l’impérialisme, sans volonté d’adhésion à un bloc soviétique ou occidental. Cinq principes étaient repris : respect mutuel de l'intégrité territoriale et de la souveraineté ; non-agression ; non-ingérence réciproque dans les affaires intérieures ; égalité et bénéfice mutuel ; coexistence pacifique.

Depuis, ce mouvement de libération s’est étendu malgré les interventions impérialistes et leurs appuis locaux, malgré des difficultés colossales, des régressions et des progrès, cherchant constamment les moyens du développement.

Les États-Unis, impérialisme hégémonique, et leurs alliés du bloc occidental ne l’acceptent pas.

Après l’implosion de l’URSS, sortis gagnants de la confrontation les États-Unis imaginaient construire un monde unipolaire sous leur domination absolue dans tous les domaines. C’était la fin de l’Histoire.

Les empires coloniaux et l’URSS étant démantelés, il n’y avait plus de chasse gardée ni de marché captif, les matières premières et ressources étaient à la disposition du plus fort c’est à dire eux.

Il fallait imposer la libre circulation des capitaux : plutôt que de faire appel à l’immigration, ce sont les capitaux des métropoles qui circuleraient dans les « périphéries » mettant en concurrence le monde entier, tous contre tous. Au nom de la concurrence libre et non faussée. La création de l’OMC en 1995 en a été un moment important.

Dans les années 90 s’affirmait la théorie des entreprises sans usine, la fabrication étant un centre de coût à sous-traiter, la valeur ajoutée gisant dans le marketing et la conception. L’histoire a montré l’inanité de cette théorie. Ce n’est pas l’accumulation de capitaux ni le casino boursier qui créent les richesses mais le labeur de centaines de millions de travailleurs, notamment exploités dans l’échange inégal subi au profit des pays impérialistes et qui se mettent en mouvement pour sortir de la misère.

La désindustrialisation fût la règle pour la plupart des pays développés.

Récemment Trump se présentait en défenseur des travailleurs étatsuniens, dénonçait la concurrence déloyale des pays émergents, leurs travailleurs ne disposant pas des mêmes droits sociaux que les pays « avancés ». Pure hypocrisie puisque c’est justement cela qui motivait le départ de l’industrie. Pour les États-Unis, la « concurrence libre et non faussée » est acceptable si elle leur profite. Ce n’est pas la théorie économique néo-libérale qui les guide mais leur volonté d’hégémonie.

La surexploitation au profit des grandes multinationales à la recherche de taux de profits les plus élevés a conduit à son contraire : l’accroissement du poids des pays émergents et le recul relatif des pays anciennement développés. Ainsi les pays du Sud sont devenus le lieu où se créent de plus en plus les richesses, développant leur propre dynamique, leur poids dans l’économie mondiale croissant sans cesse. Aujourd’hui les entreprises cherchent à s’implanter dans les pays émergents également pour leurs taux de croissance supérieurs, des marchés devenus incontournables.

Ce que les États-Unis mettent en cause c’est le monde en train de s’organiser notamment avec les BRICS. Un monde qui s’affronte au « droit » de pillage et au maintien de la rente impérialiste qu’offre notamment le dollar. Les États-Unis n’hésitent pas à inventer le droit à l’ingérence, à créer des situations chaotiques pour contrer ce bouleversement. C’est inévitable, le bloc occidental sous hégémonie américaine n'abandonnera pas sa domination de son plein gré. On ne change pas l’essence de l’impérialisme même si on peut parfois en infléchir le cours.

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent des monstres » disait Gramsci. Les monstres ne seront pas évités mais peuvent avoir des effets plus ou moins dévastateurs, la guerre étant le pire.

Robert Kissous
adhérent PCF Montpellier
Montpellier, le 8 juillet 2022