Macron et l’opposition biélorusse: une faillite diplomatique

Le voyage d’Emmanuel Macron en Lituanie et en Lettonie du lundi 28 au mercredi 30 septembre enferme la diplomatie française dans une position unilatérale vis-à-vis de la crise politique en Biélorussie et de la Russie.

La rencontre du président français avec l’opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa confère à cette dernière une légitimation internationale sans précédent. Associée avec la déclaration faite au Journal du dimanche du 27 septembre, disant que « il est clair que Loukachenko doit partir », cet acte de reconnaissance quasi-officielle est un facteur de tensions supplémentaires qui aggrave la crise. Il met une nouvelle fois la diplomatie française à la remorque de l’atlantisme représenté par l’opposition libérale-nationaliste biélorusse et est un élément supplémentaire dans la montée des tensions avec Moscou. Il suffit pour s’en convaincre de souligner la présence, dans l’entourage proche de Tikhanovskaïa d’individus tels que Franak Viatchorka, qui a travaillé pour l’agence américaine chargée du contrôle des médias financés par les États-Unis. En outre, cette rencontre a lancé un mouvement similaire de diverses diplomaties européennes de reconnaissance politique, comme la rencontre de Tikhanovskaïa avec Angela Merkel, prévue le mardi 6 octobre, et le rappel d’ambassadeurs de pays membres de l’UE en poste à Minsk, des représentants des Pays baltes à celui de l’Allemagne. L’opportunité donnée à l’opposante biélorusse de s’exprimer devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’inscrit dans la même logique. Tout cela va bien plus loin que les sanctions, déjà scandaleuses, prononcées par le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement du 2 octobre dernier. C’est extrêmement grave!

Ni Macron, ni l’UE n’ont tiré la moindre leçon de Maïdan et, au contraire, répètent le même comportement, à savoir s’inscrire dans une logique de blocs, dans une logique atlantiste et donner l’onction politique à des éléments libéraux et nationalistes, voire ultra-nationalistes, dont le programme est clair. Dans le cas de la Biélorussie, on peut regarder la composition de feu le Conseil de coordination politique de l’opposition, ou encore le programme électoral de la candidate. Le président français veut saisir la crise biélorusse comme une occasion de réaffirmer son rôle au sein de l’UE, et de redessiner une « stature » internationale, dans le cadre de la préparation de la présidence française de l’UE au premier semestre 2022 et de la campagne présidentielle française. Il le fait de la pire des manières possibles, en annihilant la marge de manœuvre de la diplomatie française et en l’enfermant dans une posture de blocs, pour le plus grand plaisir de l’OTAN et de tous les atlantistes.

Il n’y aura pas de solution à la crise politique biélorusse en jetant de l’huile sur le feu et en jouant la logique de blocs. Appeler au départ de Loukachenko comme un préalable est le meilleur moyen de faire durer et d’aggraver la crise. Imposer des sanctions contre la Biélorussie l’est tout autant. Tout comme l’est la tentation, plus ou moins explicitement affichée, de tirer la Biélorussie dans une position de confrontation avec la Russie.

Bien au contraire, la solution à la crise biélorusse passe par la levée des sanctions de l’UE, la garantie de la non-ingérence extérieure, le respect de la souveraineté du pays et des choix du peuple biélorusse, et celui du principe de la sécurité collective. Emmanuel Macron, en dépit des mots qu’il a pu employer ici ou là, et l’UE mènent une politique qui va à l’encontre de ces principes.

Vincent BOULET
responsable Europe du PCF