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Après quarante ans d’austérité, le spectre des printemps arabes hante les dirigeants marocains qui conduisent une politique répressive contre toutes les formes de contestation, semblable aux pires années de plomb.

L’actuelle crise sanitaire a exacerbé les conséquences dramatiques des politiques néolibérales qui se sont traduites par un démantèlement des services publics, notamment de santé ou d’éducation, et qui ont accentué les inégalités sociales et régionales déjà criantes. Les Marocains vivent dans une situation de forte précarité et de vulnérabilité sociale alors que le chômage comme le coût de la vie explosent. Partout, le malaise social est profond et le sentiment d’injustice immense.

En 2011, un vent de révolte a traversé le pays pour exiger plus de justice sociale, dénoncer la corruption des classes dirigeantes et faire reculer l’absolutisme autoritaire. Les foyers de contestation ne se sont jamais éteints et couvent encore. A l’époque, le roi Mohammed VI avait dû lâcher du lest sans démocratisation. Mais aujourd’hui face aux demandes sociales de justice et de liberté, il répond par une brutale violence qui traduit l’inquiétude des autorités.

Une véritable ingénierie répressive s’est installée avec une police qui ressemble à celle de Ben Ali et une justice aux ordres du roi. Elle vise à étouffer toutes les voix dissidentes et c’est la raison pour laquelle les intellectuels, les journalistes, les youtubeurs mais aussi les syndicalistes sont des cibles privilégiées. Les filatures policières, les insultes, les intimidations physiques, le harcèlement judiciaire et les détentions arbitraires sont devenues monnaie courante.Désormais, les techniques calomnieuses et infamantes ont le vent en poupe. Il s’agit de salir les opposants avec des histoires imaginaires de sexe ou d’argent afin d’organiser le lynchage public et de masquer un procès politique derrière des affaires de mœurs ou des actes criminels.
Pour ne citer qu’eux, les journalistes Chafik Omerani, Imad Stitou, Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Souleiman Raissouni sont depuis plusieurs mois emprisonnés. Ces deux derniers ont entamé une grève de la faim illimitée pour exiger leur libération. Quant à l’historien Maati Monjib, un militant reconnu de la liberté d’expression, il a été détenu trois mois pour « atteinte à la sûreté de l’État » et « escroquerie ». Tous les médias sont sous la tutelle du pouvoir et les derniers journaux indépendants ont mis la clef sous la porte. Il en va ainsi du journal de Souleiman Raissouni, Akhbar al-Yaoum.

Le mouvement de contestation du Rif de 2016-2017 a aussi payé un lourd tribut. Des manifestations étaient nées après la mort d’un jeune vendeur de poissons broyé par une benne à ordures à Al-Hoceina mais pointaient aussi les carences de l’État dans la gestion politique, économique et sociale du Rif. Plus de 400 personnes avaient été arrêtées et les principaux dirigeants ont écopé de très lourdes peines de prison dont Nasser Zefzafi condamné à 20 ans.

Le pire est atteint dans les territoires occupés du Sahara occidental où les violations des droits humains sont parmi les plus effrayantes du monde : enlèvements, assassinats, destruction de biens… contre le peuple sahraoui qui exige, conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité, l’organisation d’un référendum d’autodétermination.

En dépit du fait que, depuis plusieurs années, Rabat ait renforcé sa souveraineté vis-à-vis des pays européens en nouant des accords avec la Russie et la Chine, ce pays entretient des liens privilégiés avec la France et les États-Unis. Toujours avides de donner des leçons de droits humains au monde entier, ils ne trouvent rien à redire sur ce régime de plus en plus autoritaire et qui constitue une menace pour la stabilité régionale.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient