Meeting solidarité Hirak

Intervention de Pierre Laurent pour le Parti communiste français

Il y a trois ans, une révolution citoyenne soulevait le peuple algérien mobilisant des millions de personnes contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Dans ce mouvement pacifiste, créatif, radical et populaire, le peuple algérien a repris le chemin de la lutte pour l’indépendance en dénonçant un système corrompu, tenu d’une main de fer par une oligarchie et une caste militaire prédatrices – qui pillent depuis des décennies le pays et méprisent le peuple. Le peuple algérien a conspué et a rejeté ce système.

Je veux, au nom des communistes de France, au nom de Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, saluer le courage et l'œuvre du peuple algérien.

Ce mouvement populaire a appelé de ses vœux un changement complet de système, un État civil – et non militaire, la transition démocratique, la souveraineté du peuple. Il a dénoncé les inégalités, la misère, l’oppression et l'émigration comme seul horizon pour sa jeunesse.

Dès les premières manifestations du vendredi (et du mardi pour les étudiants), les brutalités du pouvoir et les arrestations n’ont pas réussi à entraver la détermination de la population. Depuis, la répression n’a jamais cessé. Le pouvoir a même utilisé la pandémie pour multiplier les interpellations, les poursuites, les arrestations et les condamnations à un rythme effréné. Cet acharnement ne vise qu’à empêcher la reprise de la mobilisation.

Depuis le début du mouvement, près de 5 270 poursuites judiciaires ont été engagées (selon le décompte de la Ligue des droits de l’homme). Aux côtés des classiques accusations d’ « atteinte à l’unité nationale », ou de « liens avec des puissances étrangères », le pouvoir algérien a aussi brandi l'accusation de « terrorisme » et d'« infiltrations séparatistes », visant particulièrement les Kabyles, alors que les drapeaux amazigh et algérien ont constamment flotté ensemble.

C’est la chasse quotidienne aux militantes et militants du Hirak, parmi lesquels, vous me pardonnerez de ne pas les citer tous : des journalistes, Khaled Drareni, Ihsan El Kadi, Rabah Karèche ; du lanceur d’alerte Noureddine Tounsi ; du poète Mohamed Tadjadit ; du dessinateur Abdelhamid Amine ; du président de l’association SOS Bab-el-Oued, Nacer Meghnine ; de l’universitaire Saïd Djabelkhir, grand spécialiste de l’Islam et condamné, c’est un comble, pour offenses à l’Islam.

Dernièrement, des dizaines de prisonniers politiques ont été en grève de la faim, dont certains conserveront des séquelles irréversibles. Tous ont témoigné de mauvais traitements, de tortures et de sévices sexuels.

L’objectif du pouvoir est bien d’éradiquer en profondeur la contestation. Les forces politiques, qui ont été actrices du Hirak, sont évidemment dans le collimateur ; certaines déjà interdites et d’autres en passe de l’être. Là encore, pardonnez-moi de n’en citer que quelques-unes : l’« Union pour le changement », le « Parti socialiste des travailleurs », le « Rassemblement action -jeunesse ».

Nos camarades du « Rassemblement pour la culture et la démocratie » et du « Mouvement démocratique et social », dont Fathi Gherras, sont menacés dans leur existence. En Algérie, toute expression du dissensus politique est désormais interdite.

Le pouvoir algérien ne ménage pas ses efforts pour une reprise en main brutale de la situation afin de neutraliser le Hirak. Il a pour cela organisé des mascarades d’élections – un référendum constitutionnel, une présidentielle, des législatives et des municipales. Toutes ces consultations ont été des camouflets pour la classe dirigeante avec un boycott et une abstention record. Le peuple algérien clamait dans la rue : « Y’a pas d’élections ! ».

Le mal élu et illégitime président, Abdelmadjid Tebboune, ne s'est pour autant pas privé d'user des sales méthodes qui permettent aux mafieux et aux militaires de s’accrocher au pouvoir.

Dans un tel contexte, le peuple algérien a besoin de la solidarité de toutes les forces démocratiques. Aussi, les déclarations d’E. Macron et de LREM ont suscité de légitimes indignations : E. Macron a qualifié Abdelmadjid Tebboune de « courageux », scandalisant la population et la jeunesse algérienne. La décision de LREM d’ouvrir un bureau d’information dans les territoires occupés du Sahara occidental est une provocation et une violation des résolutions de l’ONU en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui nourrissant les nationalismes.

Enfin, la déclaration sur « les doutes de l’existence de la nation algérienne avant la colonisation » est une insulte que ne manque pas d’utiliser le pouvoir algérien, et de tels propos maraudent sur les terres nauséeuses de l’Algérie française et de l’extrême droite. La nation algérienne est née de son fait, dans la résistance à l’occupation coloniale et la lutte pour l’indépendance !

Vous le savez, les communistes ont été de tous les combats avec le peuple algérien. Pour se débarrasser du crime de la colonisation et de l’occupation militaire, de la dépossession des terres, d’un ordre juridique inéquitable et d’une société fondée sur l’exploitation et l’humiliation des Algériens.

Les communistes ont été également à vos côtés dans le Hirak et demeurera indéfectiblement à vos côtés car le Hirak est toujours là ! Comment pourrait-il disparaître puisqu'aucun problème du peuple algérien n’a été réglé. La colère est toujours présente et le vent de l’arrogance des dirigeants attise l'incendie de l’injustice qui ne cesse de grandir avec la crise.

Le Hirak, c’est le contre-pouvoir, c’est l’espoir. Il est l’alternative porteuse de liberté, de démocratie, de justice sociale et de paix. Oui, le Hirak s’inscrit dans la durée et porte l’avenir du peuple algérien.

Dans le respect de l’indépendance du peuple algérien, vous trouverez toujours à vos côtés les femmes et les hommes du Parti communiste français.

Vive la solidarité entre les peuples algérien et français ! Vive la solidarité internationale !

Paris, le 26 février 2022