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Quand la France abandonne des enfants dans des camps en Syrie

Deux cents enfants et leurs mères, 80 Françaises, détenus dans le Rojava (nord-est de la Syrie) attendent depuis des années maintenant, dans des camps de rétention, que les autorités françaises décident de les rapatrier. Il s'agit des épouses ou compagnes et des enfants de djhadistes français et membres de Daesh que les forces kurdes du Rojava et Forces démocratiques syriennes (FDS) ont combattu et vaincu. On se souvient du courage des pelotons kurdes du YPG à Kobanê en 2015 ; nous leur devons d'avoir infligé à Daesh sa première défaite militaire significative et de provoquer, alors, son reflux du territoire syrien. Parmi les prisonniers de guerre, qui se sont rendus ou qui furent arrêtés, se trouvent les enfants et concubines le plus souvent abandonnés derrière eux dans leur fuite.

Si nombre des épouses ou compagnes de ces djihadistes étaient, voire restent, aussi endoctrinées que leur mari, les enfants, eux, ne peuvent payer pour les crimes de leurs parents. Or leur maintien en détention revient à cela. En dépit des droits de l'enfant et des droits humains.

Laisser les choses en l'état pour ces enfants alors qu'ils ne sont coupables de rien, c'est fabriquer de futurs adultes qui n'auront probablement demain qu'une seule pensée, le ressentiment. Et pour cause, imagine-t-on la vie dans un camp à 5, 10 ou 14 ans ? Quand bien même les forces kurdes respectent les conventions internationales, les conditions de vie en rétention ne sont pas des conditions de vie décente pour des enfants auxquels tout adulte doit veiller au bien-être et à la protection.

De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), des avocats représentant certaines familles ou détenues, ont alerté les autorités françaises et se sont entretenus plusieurs fois avec le ministère français des Affaires étrangères mais en vain. Le Quai d'Orsay répond qu'il n'est plus « aux commandes » et que la décision revient aux services de l’Élysée.

Dans le climat nauséabond de la campagne électorale qui se déroule en ce moment, le sort de ces enfants peut sombrer dans l'oubli.

Et pourtant, comme le soulignent les juges anti-terroriste interrogés par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) : il est nécessaire que « les mandats internationaux soient exécutés afin de pouvoir juger les adultes en France. »

Les femmes sont pour l'heure détenues sans procédure judiciaire, coincées dans un bras-de-fer entre autorités du Rojava et françaises. Qui plus est, à leur majorité, 18 ans, si rien n'est fait, ces enfants pourraient encourir une peine de détention à perpétuité. Cette situation équivaut à une punition collective, et constituerait un crime de guerre selon l'ONG Human Rights Watch.

Des pays comme la Suède et les Pays-Bas ont commencé à rapatrier leurs ressortissants. La France, elle, reste sourde et n'applique pas le droit international, alors même qu'elle doit protection à ses ressortissants partout dans le monde, quelle que soit leur situation. Cette coupable inertie n'est pas vraiment à son honneur.

Les autorités françaises doit prendre la décision de rapatrier ces enfants et leurs mères, certaines pour être jugées et purger leur peine en France, et les enfants confiés à leurs grands-parents s'ils le souhaitent. Les services d'Aide sociale à l'enfance (ASE) dans chaque département organisera l'accueil de ceux qui ne peuvent retrouver un foyer.

Nul n'est au-dessus des lois. Le droit français et la Convention internationale des Droits de l'enfant doivent être pleinement respectés – par la France, aussi.

Daniel Feurtet
membre de la Commission des relations internationales du PCF