Pour des états généraux de l’Education

Cette rentrée scolaire aurait dû être celle d’une réponse forte de l’ensemble de la communauté éducative à l’ignoble attentat qui a coûté la vie à Samuel Paty, « coupable » d’avoir exercé son métier. Au-delà de la commémoration à la mémoire de notre collègue décapité, cela aurait dû être le moment de replacer l’école au cœur de la République, de la défense de la laïcité, de la liberté d’expression et des défis qui fragmentent la société française.

Le ministre de l’Éducation nationale n’a pas souhaité laisser aux équipes enseignantes le temps de préparer cette rentrée afin de donner du sens pour les élèves à l’hommage rendu à notre collègue. Cela a été très mal vécu par l’ensemble de la communauté éducative pour qui la crédibilité du ministre était déjà sérieusement remise en cause.

Cette rentrée aurait dû être une rentrée hors norme avec le retour d’une vague épidémique et le choix, contrairement au mois de mars, de maintenir les établissements scolaires ouverts. Or, le protocole sanitaire s’avère soit inapplicable, soit très en dessous de ce qu’il faudrait mettre en place pour garantir, en même temps que la continuité pédagogique, la sécurité sanitaire des élèves, de leurs familles et de la communauté éducative.

C’est donc la colère qui prédomine chez de nombreux enseignants. Ce qui peut apparaitre comme de l’impréparation est en fait une conception très verticale et descendante des processus de décisions sans aucune prise en compte de la réalité et des besoins.

L’urgence est utilisée depuis 8 mois comme prétexte pour imposer l’accélération de la transformation de l’école à moyens constants. La question du décrochage scolaire et de son aggravation durant le premier confinement est éludée.

Le PCF a proposé dès le mois d’avril un plan d’urgence pour l’éducation, qui prévoyait la prolongation dans la durée de l’épidémie et développait des propositions pour garantir le maintien et le développement d’une école qui réponde aux besoins des élèves et notamment ceux qui n’ont que l’école pour apprendre.

Ce plan d’urgence démontre chaque jour sa pertinence. Depuis 7 mois, rien ou presque n’a été fait. De multiples questions se posent aujourd’hui et vont se poser dans les semaines qui viennent.

Comment pallier l’absence d’enseignants et de personnels malades ou cas contacts sans remplaçants ? Comment détecter, isoler, traiter personnels et élèves sans médecine scolaire digne de ce nom ? Le dédoublement des cours, notamment dans le secondaire, nécessite certes des moyens conséquents en termes de personnels et de locaux, mais il permettrait d’une part d’améliorer la sécurité sanitaire dans les établissements, et d’autre part d’engager une véritable lutte contre la difficulté scolaire et le décrochage qui se sont accrus depuis le printemps.

Les personnels de l’éducation, au-delà des contre-ordres et d’une nouvelle illustration du mépris du ministre à leur égard, élaborent en ce moment des protocoles pour maintenir les établissements ouverts. Faute de perspective et de moyens supplémentaires, la seule solution, mais qui ne peut être durable, est celle d’un mixte distanciel, présentiel. Mais on manque de tout, d’agents, de produits, de temps ; on manque de remplaçants. Chaque établissement a ses spécificités, à un endroit le dédoublement s’avère utile, ailleurs non, et c’est la question des locaux qui se pose. Parfois les solutions pourraient être trouvées avec 5 ou 6 salles de classe supplémentaires, ou 7 ou 8 collègues en plus.

Il était et il est encore possible de recruter des enseignants, en faisant appel à ceux qui ont échoué aux concours en juin dernier et l’année précédente, en titularisant les contractuels.

Ce sont des dizaines de milliers d’emplois dont il y aurait besoin à un moment où le chômage explose et où 700 000 jeunes rentrent sur le marché du travail.

Il est encore possible de trouver des locaux, d’en mettre à disposition de manière provisoire et d’aider communes, départements et régions à relever ce défi.

Comme dans d’autres domaines, le gouvernement utilise la crise pour imposer la transformation de l’école, accélérant l’individualisation des parcours, et mettant en œuvre une école à plusieurs vitesses. Nous savons désormais que nous en avons pour des mois, et que cette année scolaire est menacée après celle interrompue en mars dernier.

Le défi, l’enjeu de société de l’élévation du niveau de connaissance de toute une classe d’âge, de l’enseignement d’une culture commune de haut niveau dans une école émancipatrice qui réponde aux besoins de tous les élèves appellent des réponses neuves qui rompent avec les logiques à l’œuvre depuis de nombreuses années.

C’est le sens de la proposition faite par le réseau École du PCF, au-delà du plan d’urgence d’organiser des États généraux de l’éducation avec l’ensemble des forces sociales et de progrès, de la communauté éducative.

Sébastien Laborde, membre du CEN.