Rapatrier les femmes et les enfants des camps djihadistes de Syrie

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Le 20 octobre 2022, le gouvernement a rapatrié 15 femmes et 40 enfants détenus dans des camps djihadistes de Syrie. Il s’agit du second rapatriement collectif après celui du 5 juillet (16 femmes et 35 enfants).

Ces femmes avaient été capturées dans le nord-est de la Syrie et dans le nord de l’Irak, occupés jusqu’en 2019 par le groupe État islamique, puis maintenues dans des camps sous contrôle des Kurdes.
Les autorités françaises ont depuis longtemps une claire vision de la situation. Très peu d’hommes français sont emprisonnés dans ces camps. Pour l’essentiel, ils ont été tués ou bien se cachent.
Pour les femmes djihadistes, on peut distinguer deux groupes dans les camps : des femmes radicalisées qui veulent garder leurs enfants pour notamment s’en servir contre la France ; des mères qui veulent être rapatriées pour sortir de la radicalité et sauver leurs enfants. Elles subissent de fortes pressions du premier groupe.

Initialement, la France avançait comme argument que ces femmes devaient être jugées en Irak, manière de se décharger de nos responsabilités sur un autre État. Allaient-elles se déradicaliser dans les prisons irakiennes ? On pouvait en douter d’autant qu’au terme de leur peine, elles ont vocation à rentrer. Les juges antiterroristes attendent leur retour pour mieux nous éclairer. C’est à nous de juger notre propre histoire.

Dès leur arrivée, ces femmes ont été placées en garde à vue et en détention provisoire. Elles faisaient déjà l’objet d’un mandat de recherche. Elles ont toutes été mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et certaines incarcérées.

Quelques unes d’entre elles ont aussi été mises en examen pour soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la sécurité ou la santé de leur enfant. L’une d’entre elles a été mise en examen pour crime contre l’humanité et génocide.

Les mineurs dont certains sont orphelins ont été remis aux services chargés de l’aide à l’enfance. Ils feront l’objet d’un contrôle médico-social. Beaucoup d’entre eux sont nés en Syrie ou en Irak. Il faut rappeler que ces enfants sont innocents des crimes de leurs parents et la France est signataire de la Convention des droits de l’enfant. Si certains d’entre eux ont commis des crimes avérés, une procédure judiciaire devra être conduite. La France est-elle devenue si peu forte, si peu soucieuse de ses valeurs pour refuser de sauver ses propres enfants ? Laisser ces enfants dans les camps, c’est les laisser mourir ou se radicaliser. Un jour, ils rentreront et seront alors de véritables dangers. Leur retour est donc urgent et inéluctable.

La politique de refus du rapatriement était essentiellement liée aux craintes de l’opinion publique. Le gouvernement menait jusqu’alors une politique du cas par cas qui consistait à ramener des enfants sans leur mère. Certaines d’entre elles ont accepté de signer un document de renoncement à leurs droits parentaux pour que leurs enfants reviennent sur le sol national. Ce changement de politique s’explique par les multiples condamnations dont Paris a fait l’objet. La France a été condamnée par les instances internationales (Comité des droits de l’enfant des Nations unies, Cour européenne des droits de l’homme) et blâmée par des organismes consultatifs français.

Parmi les pays européens, la France était de plus en plus isolée. La Belgique, le Danemark, la Finlande, la Suède, les Pays-Bas et l’Allemagne ont décidé de rapatrier l’intégralité de leurs ressortissants enfants en compagnie de leurs mères quand cela était possible.

Le gouvernement a annoncé qu’il y aurait d’autres rapatriements. Il reste une centaine de femmes et près de 250 enfants.

Depuis plusieurs mois, le Parti communiste français appelle au rapatriement de toutes les femmes et les enfants. Il est indispensable que la justice mais aussi l’aide à l’enfance disposent des moyens pour mener à bien leur mission. Il serait temps également de conduire une réflexion sérieuse pour expliquer le départ de ces Français dans le camp de l’obscurantisme et de la barbarie.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient