Rapport sur les ventes d'armes françaises : Partialité et opacité

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Le rapport annuel du ministère des Armées sur les exportations d’armes françaises dans le monde vient d’être publié le 1er juin. Il s’inscrit dans le cadre d’une montée des tensions internationales mais aussi d’une nouvelle vague de militarisation qui vise à renforcer le camp occidental et à légitimer les idéologies guerrières. En dépit de quelques avancées, ce document reste opaque et incomplet ne permettant pas d’apprécier la légalité de ces ventes.

Sans surprise, la France occupe le 3e rang mondial des pays exportateurs derrière les Etats-Unis et la Russie mais devant l’Allemagne et la Chine. Le montant global s’élève pour 2020 à 4,9 milliards d’euros soit un recul de 41% par rapport à l’année précédente. Ces résultats s’expliquent par la crise sanitaire mais ne traduisent en rien une tendance de fond.

L’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, le Maroc, le Royaume-Uni, l’Inde, la Grèce, le Sénégal, l’Australie, les Emirats Arabes Unis et Singapour constituent le groupe des dix premiers pays acheteurs. Par espaces régionaux, l’Europe totalise 25% des ventes, le Moyen-Orient : 24%, l’Asie-Pacifique : 22% et l’Afrique : 18%.

L’omniprésence des pays du Golfe demeure un objet de préoccupations car ces Etats bafouent les droits humains, violent le droit international humanitaire et sont engagés dans des conflits brutaux contre les populations yéménites. Si le rapport mentionne l’achat de systèmes de défense anti-aérienne, des robots de déminage sous-marins ainsi que des munitions, traduisant l’exacerbation de la conflictualité avec l’Iran, rien n’est dit sur la vente de navires de guerre à Riyad qui participent au blocus naval du Yémen. La vente de systèmes de défense anti-aérienne, de canons Caesar et de véhicules tactiques légers à Rabat, utilisés dans la répression du peuple sahraoui des territoires occupés, constitue également une violation du Traité sur le Commerce des Armes (TCA) dont la France est signataire.

A la différence de ce qui se passe au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas, il n’y a pas vraiment de contrôle parlementaire sur les décisions du pouvoir exécutif en matière de ventes d’armes. Ce rapport ne donne pas d’informations exhaustives entretenant le flou sur des aspects essentiels. Si les destinataires des armes sont bien désignés, leurs utilisateurs ne le sont pas. De plus, Paris utilise des intermédiaires en exportant des pièces détachées vers d’autres pays qui se chargent d’assembler les armes et de les vendre à qui bon leur semble. Quant aux licences non octroyées, aucun motif n’est communiqué. Dans ces tractations, l’opinion publique française devra se contenter des « garanties » qu’E. Macron affirme avoir reçues…comme pour le Yémen.

Cependant, l’émotion que suscite l’épouvantable crise humanitaire yéménite fait bouger les consciences. Une enquête commandée par Amnesty International montre que les ventes d’armes suscitent de plus en plus d’intérêt. Trois quarts des Français s’estiment mal informés et souhaitent plus de contrôles et de transparence. Dans une même proportion, ils estiment que le commerce des armes est contradictoire avec les valeurs portées par notre pays. Cela met à mal la théorie défendue par E. Macron ou J.-Y. Le Drian selon laquelle ces ventes assureraient le rayonnement et la compétitivité de notre pays. Il faut une certaine dose de cynisme pour prétendre que les ventes d’armes à l’Egypte, qui compte 60 000 prisonniers politiques, participent au prestige international de la France !

La question des ventes d’armes doit rester au cœur de nos préoccupations car c’est le moyen de mieux percevoir les faiblesses de la paix. Alors que la pandémie de Covid-19 a plongé le monde dans la tourmente, nourrir les guerres est une folie. La course aux armements n’assure en rien la sécurité des peuples. La paix est un projet politique au centre des luttes émancipatrices, un élément incontournable de tout projet global pour l’humanité. Notre monde a besoin de solidarité et de coopération ce qui passe par la démilitarisation et la diminution drastique des dépenses d’armements. Cet engagement est consubstantiel du combat communiste.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient