Retraites : les propositions communistes en débat dans le pays

Au moment où ces lignes ont écrites, le Premier ministre n’a pas présenté ses propositions sur la réforme des retraites. Après des mois d’enfumage qui ont suivi la publication du rapport Delevoye en juillet dernier, le gouvernement a échoué dans sa tentative de diversion. Il ne voulait pas que l’avenir des retraites soit discuté partout dans le pays.

Il pensait que la communication sur le thème « un euro cotisé pour les mêmes droits pour tous », accompagnée d’une stigmatisation permanente des régimes spéciaux et des « privilégiés », allait répondre aux insatisfactions provoquées par les conséquences des réformes sur les retraites successives. Il pensait en avoir définitivement fini avec les organisations syndicales « contestataires ». Après le tsunami des Gilets jaunes, l’acte 2 du quinquennat allait, avec la réforme des retraites, « la mère des réformes », faire la démonstration d’une écoute, d’une approche moins arrogante et jupitérienne, avec de la concertation et de la consultation. Bref, la macronie pensait avoir trouvé une martingale pour se relancer et préparer 2022 face à Marine Le Pen.

La force de la journée du 5 décembre et ses suites redistribuent totalement les cartes. Les cortèges fournis, dans les métropoles et aussi dans les villes moyennes, ont été ceux des convergences des colères. L’ensemble de la fonction publique, d’État, hospitalière et territoriale, s’est mobilisé, tout comme le privé. Après avoir tant voulu piétiné les cheminots et les enseignants au cours des derniers mois, le pouvoir vient de prendre un sacré retour de manivelle avec la mobilisation spectaculaire dans les transports et les établissements scolaires. Dans les manifestations, il a beaucoup été question de l’avenir des retraites et aussi de la dignité des vies, de la société dans laquelle nous voulons vivre, et celle dont on ne veut pas. C’est le grand retour de la question sociale alors que le pouvoir avait tout installé pour des élections municipales se déroulant dans un climat nauséabond. Patatras, il n’est plus question du voile mais des conséquences désastreuses d’un régime par points pour moins de pension. On ne nous rabat plus les oreilles sur les quotas de migrants, ce qui est débattu c’est le niveau des salaires, l’égalité salariale femmes-hommes, les nouvelles formes de pénibilité, les nouvelles sources de financement pour consacrer une plus grande partie de la richesse nationale produite aux retraites et à notre protection sociale. La période qui vient va permettre de semer des idées. Beaucoup d’idées pour l’égalité, pour des droits nouveaux, des potentialités, des besoins à satisfaire.

Quelle va être la stratégie du gouvernement ? Il va chercher à diviser, à dresser les uns contre les autres. Il a deux objectifs prioritaires : imposer un système par points et bloquer les ressources à 14 % du PIB malgré les réalités démographiques des prochaines années. Il va multiplier les annonces pour faire la « pédagogie » d’une réforme « plus juste« , notamment avec l’engagement d’une retraite minimale à 1 000 euros, sans en préciser les conditions, à savoir une carrière complète. Sans opter pour la clause du grand-père, qui consistait à renvoyer l’application de la réforme à celles et ceux qui entreraient sur le marché du travail lors de la mise en œuvre de la réforme, il peut proposer de décaler ce qui était prévu dans le rapport Delevoye. Les générations concernées ne seraient plus celles nées après 1963 mais après 1973. Il fera des annonces sur la revalorisation du traitement salarial des enseignants, sur la pénibilité dans certains métiers avec des périodes de transition dans le futur régime plus progressives. Il peut reporter les mesures d’économies pour un retour à l’équilibre financier pour amadouer la CFDT. Faire des annonces en direction des cadres à hauts revenus. Ou encore, préciser la future gouvernance et la manière dont la valeur du point sera décidée.

Dès mercredi après-midi, après l’intervention d’Édouard Philippe, nous mettrons à disposition une vidéo de Fabien Roussel qui proposera un premier décryptage.

Le soir, à l’initiative du PCF, se tiendra à la Bourse du travail de Saint-Denis, un meeting avec la participation de l’ensemble des formations de gauche et écologiques.

La soirée débutera par l’intervention des représentants des organisations syndicales le lendemain même de la nouvelle journée de mobilisation et de grève. Chacun pourra donc livrer son analyse de la situation sociale et politique, avancer des propositions pour une autre réforme des retraites, progressiste et apportant des réponses fortes aux besoins et aux attentes. En conclusion de ces échanges, le secrétaire national proposera une nouvelle étape de travail en commun afin d’être le plus utile à la bataille idéologique et politique. Il faut se préparer à des semaines au cours desquelles, il y aura beaucoup de choses à expliquer, à décortiquer, à faire connaitre. Face au rouleau compresseur des médias dominants (on ne dira jamais assez l’importance de l’excellent travail réalisé quotidiennement par l’Humanité), le travail de révélations, d’explications et de contre-propositions va être déterminant, comme il l’a été au moment du Traité constitutionnel européen.

Au cours des derniers mois, le travail réalisé par notre collectif sur les retraites, par la direction nationale et nos groupes parlementaires, nous permet aujourd’hui de mettre nos propositions en débat partout dans le pays. À chaque fois que le gouvernement avancera une idée, une « solution », nous serons donc en capacité d’y opposer des contre-propositions précises et argumentées. Nous allons nous appuyer sur tout ce qui s’exprime aujourd’hui dans le pays pour une amélioration du système des retraites, avec l’objectif de rendre incontournable des grands axes de transformations. Si des millions de gens passent d’une hostilité ou d’une inquiétude concernant la réforme Macron sur les retraites, à un intérêt, puis une adhésion à des propositions réellement progressives, alors le macronisme sera en très grande difficulté sur sa réforme des retraites et sur l’ensemble de sa politique.

Le duopole Macron/Le Pen n’est en rien une fatalité pour 2022. Un autre scénario est possible. La passion française pour l’égalité vient de se faire de nouveau entendre d’une manière spectaculaire. Avec quel découché politique ? Quelle nouvelle espérance ? À partir des débats sur la réforme des retraites, c’est aussi l’avenir politique de notre pays, du mouvement social et syndical, de la confrontation entre des intérêts divergents (travail et capital), de l’articulation et de la rencontre entre différentes formes d’engagements (social, écologique, féministe), dont il s’agit. C’est à la fois passionnant et terriblement exigeant.

Olivier Dartigolles