S’attaquer à la domination du capital sans attendre « le jour d’après »

L’indigence des annonces d’Édouard Philippe l’a confirmé, on ne peut pas laisser au marché, au patronat et à un gouvernement tout dévoué à leurs exigences l’organisation de la lutte contre l’épidémie. Il faut planifier démocratiquement, de façon décentralisée, quels moyens doivent être mobilisés en priorité pour produire les médicaments, les vaccins, les tests, les matériels médicaux indispensables pour combattre le virus et prévenir les dangers qui accompagneront une sortie du confinement.

Nous proposons de réunir les acteurs économiques, sociaux, associatifs, les élus, dans des conférences locales et régionales de mobilisation pour définir et rendre cohérent l’effort de lutte contre la crise, depuis les entreprises où les représentants des salariés (CSE) disposeraient de pouvoirs d’alerte et d’intervention, jusqu’au niveau national et à de nouvelles coopérations européennes et internationales.

En somme, la solution à la crise met concrètement à l’ordre du jour des formes d’« appropriation sociale des moyens de production, d’échange et de financement » pour fixer d’autres buts et d’autres critères à leur gestion, avec « des pouvoirs d’intervention directe, décentralisés, de tous les acteurs sociaux, des citoyennes et citoyens » : ce sont là deux axes du projet communiste tel que l’a défini le 38e congrès du PCF, il y a dix-huit mois.

Parallèlement, la suspension de certaines activités ne doit s’accompagner d’aucun licenciement, et n’entraîner aucune baisse des salaires et des pensions. C’est vital pour l’immédiat, et pour une sortie du confinement qui exigera la valorisation de toutes les capacités humaines. La crise nous invite ainsi à amorcer tout de suite, à chaud, l’avancée d’une sécurité d’emploi ou de formation et de sécurisation des revenus, qui forme, dans nos orientations, le troisième axe du projet communiste.

Tout cela ne sera possible qu’avec le rôle d’entraînement que seuls peuvent jouer de nouveaux services publics et de nouvelles entreprises publiques, « pierre angulaire de la construction d’une nouvelle citoyenneté et de la promotion de biens communs dans tous les domaines » : santé, recherche, formation, énergie, financement de l’économie…

Pour y arriver, il faudra en effet dépenser beaucoup d’argent public. Face à une situation qu’ils ne maîtrisent pas, gouvernements, dirigeants de multinationales et financiers ont suspendu les règles du « pacte de stabilité » et en viennent à miser, pour s’en sortir, sur l’énorme création monétaire des banques centrales. Mais leur façon d’y recourir ne fera qu’aggraver la suraccumulation de capital qui a amené la crise, puisqu’elle a pour unique objet de « rassurer les marchés ». C’est précisément ce qui rend encore plus brûlante l’exigence, formulée au congrès, d’une Banque centrale européenne agissant « pour un essor des services publics et de l’emploi, avec notre proposition majeure de création d’un Fonds de développement social et écologique européen ». Là encore cette mesure peut commencer d’être mise en œuvre tout de suite, en France, sans attendre un changement des traités européens, avec la création d’un fonds d’urgence sanitaire et de sécurisation qui serait alimenté par des prêts et des avances non remboursables de la Caisse des dépôts, refinancés par la BCE.

« Alors qu’une nouvelle catastrophe s’annonce, la crise du capitalisme nous place au défi de rassembler pour ouvrir une issue », écrivions-nous il y a dix-huit mois déjà. Tout confirme qu’« il n’y a jamais eu autant besoin de révolution, d’idées et de luttes révolutionnaires ». Nous voyons d’ailleurs tous les jours que « leur absence dans le champ politique laisse la voie libre à tous les dévoiements ». Personne ne sait où conduisent les événements extraordinaires que nous vivons mais on peut dire que face à la catastrophe imminente les communistes ne sont pas complètement pris au dépourvu pour proposer les moyens de la conjurer.

Denis Durand, responsable du collectif Campagne coût du capital/finances/banques