Le 7 mars dernier, Jean-Paul Dufrègne, dans le cadre des “niches” parlementaires, formulait cette proposition de loi pour rétablir l’ISF et rendre l’impôt sur le revenu plus progressif. Extraits.
S’il est un domaine où les mythes ont la vie dure, c’est bien la fiscalité. J’évoquerai ici deux des mythes, de nature et de portée très différentes, qui sont à l’origine de la proposition de loi que nous vous soumettons aujourd’hui.
Le premier mythe tient à un chiffre qui donne une vision incomplète, voire absolument erronée, de notre fiscalité. L’idée tenace selon laquelle 50 % des Français ne paieraient pas d’impôt est en effet certainement la plus grande des chimères fiscales. Parce que des prélèvements et impositions des ménages, comme la taxe sur la valeur ajoutée – TVA –, les cotisations sociales et la contribution sociale généralisée – CSG – sont moins visibles, l’attention se cristallise sur l’impôt sur le revenu – IR – qui, malheureusement, n’est pas le plus rentable des prélèvements obligatoires français. Je rappellerai en effet que le rendement de l’impôt sur le revenu, qui est de l’ordre de 70 milliards d’euros, est près de deux fois inférieur à celui de la TVA, que l’on estime à quelque 140 ou 150 milliards, et inférieur à celui de la CSG, qui depuis 2018 dépasse 100 milliards. Ce constat est fondamental car il montre quel symbole fort est l’impôt sur le revenu, mais aussi l’importance de l’acceptation politique d’un impôt, c’est-à-dire du consentement à l’impôt. Or l’actualité montre que le consentement est gravement ébranlé dans notre pays.
Le second mythe a été imaginé par le gouvernement pour justifier l’injustifiable. Il a consisté à rendre l’impôt sur la fortune – ISF – responsable de l’exil des plus grandes fortunes françaises à l’étranger. Cette allégation ne s’appuie sur aucune évaluation ! Il nous faut donc combattre cette autre chimère. S’il n’est pas nouveau, le constat que nous faisons n’en est pas moins essentiel. Parce que notre système fiscal est devenu trop complexe, le débat sur la fiscalité s’apparente souvent à une discussion d’experts, ce qui n’est pas acceptable. Il n’est pas normal, en effet, que nos concitoyens ne comprennent pas comment sont calculés leurs impôts. Cette incompréhension et cette méconnaissance contribuent à éroder le consentement à l’impôt, à entretenir la suspicion et le profond sentiment d’injustice sociale.
La présente proposition de loi n’est pas idéologique. Elle ne vise qu’à renforcer la justice fiscale et à donner, dans le contexte de grande mobilisation sociale nationale que nous vivons depuis plusieurs mois, un écho à des sujets qui intéressent et préoccupent vivement nos concitoyens. Il est impératif que nous envoyions rapidement des signes forts montrant que nous répondons à la légitime aspiration de nos concitoyens à plus de justice sociale. Notre pays doit retrouver la sérénité. Il est donc urgent de conduire une réforme fiscale d’ampleur mettant à plat tous les pans de nos impositions.
L’enjeu en est clair : que chacun contribue à la chose publique selon ses moyens. Cette exigence démocratique, conforme à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, doit être remise au centre de notre système fiscal.
Néanmoins, comme vous le constatez, les propositions que nous faisons aujourd’hui se limitent à deux éléments ciblés du système fiscal. Non que nous jugions qu’aucun autre de ses éléments ne mérite d’être modifié, mais parce qu’il faut procéder par étape et que les deux composantes que nous avons choisies sont les préalables indispensables à une réforme de plus grande ampleur. Notre proposition de loi n’est donc qu’un premier pas en vue de parvenir à plus de justice fiscale.
Le coup de projecteur que nous mettons sur l’ISF et sur l’impôt sur le revenu ne nous dispense pas, en effet, d’examiner d’autres impôts foncièrement injustes qui prospèrent dans l’ombre du débat démocratique, comme la TVA et la CSG qui pénalisent beaucoup plus fortement les foyers modestes. Je pense également au prélèvement forfaitaire unique qui, sous couvert de simplification, fut en fait un cadeau fiscal fait aux titulaires de revenus du capital, très souvent des contribuables aisés qui, de ce fait, ne paient que 12,8 % d’impôt sur leurs revenus financiers, ce qui gomme la progressivité de l’impôt. L’évolution des inégalités de revenus et de patrimoine dans notre pays justifie, à elle seule, les deux articles de notre proposition de loi.