Solidarité avec le peuple iranien

Des manifestations populaires dans de très nombreuses villes ont mobilisé des milliers de personnes dénonçant la décision gouvernementale de supprimer les subventions sur les prix de l’essence. Le guide suprême, Ali Khamenei, a mis tout son poids afin que cette disposition soit entérinée coûte que coûte.

Ce nouveau soulèvement s’inscrit dans la continuité de ceux qui ont affecté le pays en 2009 et 2018, conjuguant des causes internes et externes relatives aux conséquences des sanctions américaines à la suite du retrait de Washington sur l’accord nucléaire.

Depuis de longues années, les politiques néolibérales et d’austérité ont accru les difficultés structurelles de l’Iran. Chômage, perte de pouvoir d’achat, privatisations, clientélisme, corruption, captation de la rente au profit des élites du régime ont creusé les inégalités. Les assises du pouvoir théocratique se sont érodées alors que les idéaux de la République Islamique et le puritanisme de façade sont remis en cause. Une véritable dissonance existe désormais entre le régime et la société aggravée par le sentiment de blocage du système et la contestation de la politique milicienne conduite en Irak et en Syrie. Un climat de désespoir, qui emprunte les voies de la colère et de la violence, s’exprime à nouveau au grand jour.

Les sanctions américaines aggravent considérablement la situation car Washington entend réduire à néant les exportations de pétrole iranien. Si un système de contrebande s’est mis en place avec les pays voisins comme le Pakistan, l’Irak, la Syrie et la Turquie, les ventes vers la Chine et l’Inde se sont réduites drastiquement. Les conséquences ne se sont pas faites attendre avec une reprise de l’inflation, un recul du PIB de 9% et un effondrement de la monnaie par rapport au dollar. Cela provoque des pénuries de nourriture et de médicaments exacerbant les difficultés de vie des populations, d’autant que le gouvernement éprouve les plus grandes difficultés à mettre en œuvre des stratégies de contournement.

“les politiques néolibérales et d’austérité ont accru les difficultés structurelles de l’Iran”

Ce régime de sanctions renforce la corruption, la contrebande, les fortunes illégales et le désordre social conformément aux vœux de D. Trump qui tente d’asphyxier l’État dans l’espoir de le renverser. A ce jour cette politique n’a donné aucun résultat suscitant des remises en cause graduelles de l’accord sur le nucléaire par Téhéran. En aucune manière, la politique de sanctions ne fera fléchir le régime dans la mesure où celui-ci peut encore s’appuyer sur une base sociale, un appareil de sécurité solide et une mobilisation des forces les plus conservatrices. Dans ce contexte, on assiste à un effacement de l’opposition politique et à un durcissement de la répression des mouvements sociaux. Après les manifestations de ce week-end, les forces anti-émeutes se sont déployées dans tout le pays, occasionnant la mort de deux personnes et plus d’un millier d’arrestations. Internet, les réseaux sociaux et la téléphonie mobile demeurent encore partiellement bloqués.

Si ce mouvement présente évidemment des spécificités qui distingue le monde persan des régimes arabes voisins, des points communs et des effets de mimétisme apparaissent presque comme des évidences. Que ce soit en Iran, en Irak ou au Liban les peuples rejettent tout à la fois ces politiques économiques insoutenables, la corruption généralisée et la confiscation du pouvoir par des cliques autoritaires. Les institutions, le “système”, les dirigeants sont frappés d’illégitimité. A cette défiance globale s’opposent les revendications de dignité, de liberté et de paix. De manière convergente ces sociétés écrivent une histoire nouvelle. Nul ne peut présager de leurs débouchés, conservateurs ou progressistes, mais des processus longs, irréversibles de transition se mettent en place à l’image de l’exemple algérien.

Le Parti communiste français est indéfectiblement solidaire des luttes courageuses et exemplaires que conduisent les peuples du Moyen-Orient.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient
article paru dans CommunisteS du 20 novembre 2019