Surexploitation, autoritarisme, racisme : Modi à l’avant-garde du national-libéralisme

Malgré le confinement instauré fin mars pour faire face à l’épidémie de Covid-19, les Indiens se sont mobilisés le 22 mai dernier à travers tout le pays contre les attaques portées à l’encontre des droits des travailleurs et pour exiger de réelles mesures d’aide au peuple qui subit une crise économique et sociale de grande ampleur.

En Inde, les activités des secteurs de services, des ateliers comme de l’industrie lourde ont chuté avec la mise en œuvre du confinement jusqu’à fin mai. Alors que l’économie indienne connaissait déjà un ralentissement, le pays risque de subir la pire récession qu’il n’ait jamais connue. Selon certaines estimations, 122 millions d’Indiens ont d’ores et déjà perdu leur emploi avec le confinement, ce qui porte à 24% le taux de chômage dans le pays. Durant cette période, la perte d’emplois, de salaires et les expulsions, notamment des travailleurs migrants, se sont multipliés. Ces derniers n’ayant ni salaire, ni logement ont tenté de survivre en rejoignant leurs régions d’origine. Par centaines de milliers, ils ont pris la route pour parcourir jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres à pied, les transports ayant été suspendus. Accidents de circulation, faim ou épuisement, certains sont morts sans pouvoir retrouver leur famille.

Face à la crise que vit l’Inde et à l’inaction du gouvernement Modi, vingt-deux partis politiques de l’opposition, dont les Partis communistes, se sont réunis pour échanger et lancer un appel commun. Celui-ci comprend des propositions pratiques à mettre en œuvre – des aides financières, des distributions gratuites de céréales pour les personnes dans le besoin, le transport gratuit pour les travailleurs migrants, des aides pour les agriculteurs, une véritable stratégie de relance économique et de réduction de la pauvreté – et exige plus d’informations sur la situation sanitaire, sur la stratégie de déconfinement, et le rétablissement du contrôle parlementaire.
Le gouvernement Modi a mis du temps à réagir à la crise, laissant chaque Etat gérer la situation de façon indépendante. Sa seule réponse concerne la crise économique: un plan d’aide a été annoncé par le Premier ministre, Narendra Modi, et présenté par la ministre des Finances à la mi-mai. 20 milliards de roupies (environ 242 millions d’euro) ont été promis pour relancer l’économie. Les déclarations se multiplient mais les populations ne voient rien venir. Alors que des rations alimentaires et des aides financières sont annoncées pour les populations les plus durement touchées, la majorité des bénéficiaires ne les ont pas reçues. En outre, les gouvernements des États, en première ligne face à la crise sanitaire, sont également les laissés-pour-compte du gouvernement général dont la seule préoccupation est une relance des secteurs participant à l’autosuffisance de l’Inde. Pour N. Modi, il s’agit de développer une économie moins dépendante des importations chinoises et de capter les investisseurs étrangers.

Relance économique post-Covid-19, alibi pour démolir les droits des travailleurs

Au nom de la sacro-sainte économie et de sa relance, toutes les attaques rétrogrades et ultralibérales contre les droits des travailleurs sont permises. Le discours est le même, quel que soit le pays; les règles qui encadrent les heures supplémentaires ou les licenciements sont présentées comme étant un frein au développement de l’économie indienne. Plusieurs États ont abrogé des lois sur les droits des travailleurs et de leurs syndicats pour une durée allant jusqu’à trois ans: loi sur le travail contractuel, sur les travailleurs migrants, sur l'égalité de rémunération, sur les prestations de maternité, sur la sécurité et la santé au travail…L’énumération est longue tant le code du travail a été sabordé. Nombre d’États en ont également profité pour augmenter le temps de travail journalier, le faisant passer de huit à douze heures.

Face à ses attaques, une plateforme de dix syndicats nationaux a appelé à une journée de mobilisation nationale. Un peu partout en Inde dans les différentes branches d’activité – services, pétrole, charbon, transports, électricité, agriculture, etc. – des actions de protestation ont eu lieu. Elles ont pris diverses formes: grève de la faim, rassemblement, suspension du travail, etc. Le confinement, qui avait mis fin aux manifestations massives organisées contre la loi sur la citoyenneté (Citizenship Amendment Act - CAA), n’a pas pour autant entravé la détermination des peuples indiens de combattre ce gouvernement et les politiques qu’il met en œuvre. La plateforme syndicale ne veut pas en rester là et prévoit de poursuivre et d’amplifier la lutte malgré les répressions du gouvernement Modi. En effet, certains dirigeants syndicaux ont été arrêtés la veille de la mobilisation, d’autres le jour même, dont K. Hemalata, président du CITU (Centre of Indian Trade Unions), et Tapan Sen, le secrétaire général.

L’Inde s’enfonce dans l’autoritarisme et l’islamophobie

Les emprisonnements sous n’importe quels prétextes ou accusation sans fondement se multiplient. La loi relative à la prévention des activités illégales, principale loi antiterroriste de l’Inde, permet d’inculper, d’arrêter, d’emprisonner sans preuve valable. Elle permet également de refuser la liberté conditionnelle et de garder emprisonnées des personnes sans les avoir jugées. Ces pratiques ne sont pas nouvelles en Inde mais la répression contre les opposants au régime de Narendra Modi prend de l’ampleur. Durant le confinement, des militantes et militants ont été arrêtés et emprisonnés, l’acharnement se poursuit contre leurs proches, leurs communications ont été mises sur écoute et les perquisitions inopinées subsistent. Dans l’État du Maharashtra où de nombreuses personnes ont été contaminées par le Covid-19, entre autres dans les prisons, une directive a autorisé la libération de nombreux prisonniers, excluant les opposants politiques abandonnés dans des conditions sanitaires dangereuses.

Bouc émissaire du gouvernement d’extrême droite de Modi, les musulmans ont été accusés de propager volontairement le virus à travers le pays. Ces calomnies ont été diffusées jusque dans la presse nationale. Des mises en scène, des détournements de photos, de vidéos ont circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux, alimentant la haine contre les musulmans qui avait déjà mené, en février dernier, à un pogrom dans un quartier populaire de New Delhi faisant plus de quarante morts. Les actes islamophobes se développent: l’accès à des hôpitaux a été refusé aux musulmans, certains quartiers, villages, commerces leur sont interdits, leurs boutiques boycottées, des lynchages orchestrés.

Le gouvernement indien utilise la crise sanitaire actuelle dans le seul intérêt du capital. Modi espère récupérer ainsi un maximum de marchés que la Chine pourrait perdre en la période. La destruction du code du travail appliquée dans de nombreux États accroît l’exploitation des salariés, favorise la précarité…les conditions de travail sont plus proches de l’esclavage que du salariat. La stratégie de division des forces du travail et des catégories populaires par la discrimination raciale et la xénophobie est étroitement liée aux politiques d’exploitation maximale des forces du travail dans le seul intérêt du renforcement du capital. Malgré les difficultés, la répression contre les opposants et les pressions exercées sur les salariés et les travailleurs, les peuples d’Inde refusent de se laisser piétiner, de fortes mobilisations s’organisent grâce à la capacité de rassemblement des forces syndicales et politiques.

Ces attaques ultralibérales ne sont pas réservées au sous-continent indien, d’autres pays et régions dans le monde, notamment en Europe, subissent les mêmes. Fermetures d’entreprises, licenciements, augmentation du temps de travail, diminution de salaire, annulation des congés…les tenants du capital soutenus par les gouvernements nationaux-libéraux s’en donnent à cœur joie pour torpiller les droits des travailleurs et en profiter pour s’enrichir. Face à cette offensive mondiale, des ripostes coordonnées sur les droits sociaux et humains, des politiques publiques de santé et de protection sociale, et contre la mainmise des marchés et de la finance sur les économies nationales sont nécessaires. Le Parti communiste français réaffirme son soutien aux deux partis communistes – le CPI et le CPI (m) – et aux luttes engagées par toutes les forces progressistes dans le pays.

Méline LE GOURRIEREC
membre de la Commission internationale du PCF