Une mondialisation définitivement fracturée

Après la violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine le 24 février 2022, les pays occidentaux décidaient de sanctions lourdes contre la Russie. Bruno Le Maire a parlé de guerre économique puis s’est rétracté après une remarque de Medvedev. C’est pourtant cela qu’il avait en tête lorsqu’il déclarait « Nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe » ou encore, « d’arme nucléaire financière » concernant l’exclusion de banques russes de la plateforme SWIFT.

Malgré le côté absolument massif, inédit, cette guerre économique ne fit pas cesser la guerre tout court. Les États-Unis tiraient profit de la situation en plaçant leur gaz de schiste, en pensant épuiser la Russie par Ukrainiens interposés, en reconstituant le bloc occidental sous son leadership sans partage.

Touchée lourdement dans un premier temps, la Russie obligea les pays hostiles à régler les livraisons en roubles. L’Union européenne s’y opposa, sans succès. A partir de ce moment le rouble, recherché, ne cessa de se revaloriser.

La flambée des prix des ressources fossiles a largement compensé les pertes en volumes. Des transactions dédollarisées à prix soldés à l’Inde, la Chine, l’Arabie saoudite et d’autres ont relancé les volumes des ventes. Lesquels les revendaient aux Européens… plus chers. Malgré les difficultés subies, les excédents commerciaux russes augmentaient pour atteindre 70 Mds de dollars au deuxième trimestre 2022.

Et l’Union européenne ? Le suicide industriel.

Le plan finalisé par la Commission européenne pour renoncer au gaz, pétrole et charbon russes d'ici 2027 coûterait 210 milliards d'euros… Une destruction de valeur sans contrepartie aucune de création de richesse. L’embargo total, vers lequel la pousse les États-Unis, qui y trouvent leur intérêt économique et politique, est un suicide économique de l’UE et tout particulièrement de l’industrie allemande.

L’Allemagne, parmi les grands pays, est fragilisée non seulement par les incertitudes d’approvisionnement mais aussi par des prix qui minent la compétitivité de l’industrie allemande. Il n’y a pas que les énergies fossiles et l’uranium enrichi russe. Les métaux (aluminium, nickel) sont précieux pour l’industrie automobile particulièrement pour les voitures électriques.

La fracture du monde n’est pas passagère.

En excluant la Russie, le bloc occidental dirigé par les États-Unis, impérialisme hégémonique, détruit la mondialisation de « la concurrence libre et non faussée » déjà mise à mal par Trump et son successeur, par les blocus de Cuba, du Venezuela, de l’Iran et l’application de l’extraterritorialité. Ainsi se crée un double marché dans le monde.

Les États-Unis exercent une pression considérable pour entraîner le monde entier dans cette direction. Mais les pays essentiellement du Sud refusent de mener la guerre économique. Ils considèrent que c’est un problème « d’occidentaux » qui n’utilisent pas l’économie pour le développement mais pour maintenir une hégémonie. Le "reste du monde" développera par la force des choses, par nécessité et dans cette nouvelle réalité, des éléments de la multipolarité.

La décision d’isoler la Russie ne prenait pas en compte son poids dans l’économie réelle. En effet si la Russie a un PIB qui la classe douzième dans le monde, son rang n’a rien à voir avec son importance : il s’agit d’un fournisseur incontournable de matières premières pour l’industrie et l’alimentation, de céréales, d’engrais. Bref, des ressources incontournables rendant nécessaire la réorganisation complète du commerce international. L’impossibilité d’autres pays à combler la part de la Russie nourrit une inflation galopante et la récession.

Poutine, au Forum économique de Saint Petersbourg, le 17 juin 2022, déclarait : « la rupture avec l'Occident est irréversible et définitive…le vieux monde s'effondre et l'ère de la domination américaine est terminée … ». La Russie se tourne dorénavant vers l’Asie et se dédollarise.

Le 16 juillet 2022 dans une conférence, Tony Blair tout en appelant à tenir tête à la Chine, ne disait pas autrement : l'ère de la domination politique et économique de l'Occident touche à sa fin.

L’histoire s’accélère. Des médias anglo-saxons évoquent l’arrêt des aides financières et militaires à l’Ukraine. Aux défaites inavouées, Zelensky cherche dans ses services secrets des boucs émissaires.

La guerre économique a des conséquences considérables et durables, la fracture du monde et l’apparition de nouvelles puissances ou regroupements économiques renforcés, tels les BRICS, n’étant pas des moindres.

Robert Kissous
adhérent PCF Montpellier
Montpellier, le 17 juillet