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Depuis quelques semaines, les affrontements militaires au Yémen ont repris avec une sinistre vigueur. Des raids de la coalition conduite par l’Arabie Saoudite ont provoqué d’énormes dégâts dans la capitale Sanaa, aux mains des Houthis. De plus, ces derniers poursuivent leur offensive contre la ville de Marib qui demeure l’un des ultimes bastions des forces loyalistes. La prise de cette cité constituerait un revers sévère pour les forces de la coalition. Ces combats ont fait à ce jour près de 90 victimes et ouvre une nouvelle période de crise humanitaire.

Ce conflit trouve son origine dans le printemps arabe de 2011 durant lequel la mobilisation populaire est parvenue à chasser du pouvoir le dictateur Ali Abdallah Saleh. Alors qu’une conférence nationale de dialogue était sur le point de réussir, l’Arabie Saoudite a lancé une offensive en 2015 afin d’exclure les Houthis du pouvoir, soupçonnés de collusion avec l’Iran. Cette guerre civile a alors acquis une dimension régionale censée s’inscrire dans l’opposition entre Riyad et Téhéran.

Cette sale guerre a fait près de 250 000 victimes et cinq millions de réfugiés. Elle a provoqué l’une des pires crises humanitaires de la période contemporaine puisque les trois quart des 30 millions d’habitants sont dans une situation de famine majeure. A cela s’ajoute désormais les épidémies de choléra et de la Covid. Toutes les infrastructures du pays ont été détruites, il n’y a plus rien et seules une misère et une souffrance épouvantables subsistent. Le blocus criminel total imposé par la coalition et entériné jusqu’à présent par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France complique la vie des 90% de Yéménites qui survivent grâce à l’aide alimentaire et médicale internationale déjà insuffisante.

Cette recrudescence des violences intervient alors que Joe Biden a annoncé la fin du soutien américain à la campagne militaire saoudienne. Cela se traduit par une limitation des exportations de certains armements sans affecter celles destinées à la défense du régime de Riyad. Cela relativise la pression que Washington exerce sur cette monarchie du Golfe. Pour autant, cette décision devrait constituer une étape centrale dans le règlement du conflit qui passe par un embargo total sur la vente d’armes à tous les protagonistes. Depuis 2015, l’Arabie Saoudite a acheté pour 1,4 milliard d’euros de matériels de guerre dont certains sont utilisés dans le conflit yéménite. Les pays de la coalition ont des sources d’approvisionnement diversifiés mais les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Espagne se situent aux premiers rangs. Dans ce contexte, l’achat d’armes vaut aussi un soutien politique à la coalition anti-Iran. Si certains de ces pays ne sont pas signataires de traités de désarmement, il n’en va pas de même pour la France qui a ratifié le Traité sur le Commerce des Armes et qui se trouve en infraction avec celui-ci. En effet, des canons et des blindés français sont directement impliqués dans le bombardement des populations civiles. En dépit des massacres, E. Macron continue de soutenir l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis et refuse de décréter l’embargo d’autant que ces deux puissances financent les opérations du G5-Sahel. La responsabilité de la France dans cette guerre est engagée.

Tous les acteurs ainsi que les observateurs conviennent qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit. Face aux revers successifs, les pays de la coalition cherchent une porte de sortie tout en misant sur la pérennisation de la guerre par une fragmentation du pays livré à des milices djihadistes rivales. Sur ce terreau prolifère Al Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) de Khalid Batargi. Il s’agit d’une stratégie criminelle qui sacrifie les populations et nourrit la violence et le terrorisme.

La France et l’Union européenne ont la responsabilité de soutenir les efforts des Nations Unies pour appliquer l’embargo sur les armes et relancer le dialogue politique. Il n’y a pas d’autres voies pour imposer la paix et la justice.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient