Dans la prison, nous créditons une carte alimentaire pour acheter un repas à Mumia lors de notre entrevue, et achetons des tickets pour faire une photo. Je me défais de tout ce qui pourrait faire sonner les portiques d’entrée : bagues, bracelets, boucles d’oreilles, armatures de soutien-gorge... Un garde me fait un dépistage de drogue.
Je passe timidement le portique, puis nous traversons un couloir où un autre garde, au bout, écoute Johnny Cash, Folsom Prison. Est-ce de l’humour ?
La porte s’ouvre sur une grande salle avec des tables numérotées, une ligne rouge au sol... Une femme regarde son amoureux derrière cette ligne rouge. Ils se retrouvent, mais il n’y a pas d’effusion de bonheur, seulement des regards. Mes yeux se brouillent de larmes.
Puis arrive Mumia. Il avance doucement, avec une démarche chaloupée, telle une panthère. Nous passons la ligne rouge pour le retrouver, l’embrassons, et ressentons une immense joie.
La table numéro 11 nous est assignée, non loin du garde sur son estrade.
Mumia nous parle de sa santé. Contrairement à ses habitudes de cacher ses souffrances, il exprime aujourd’hui sa plus grande inquiétude : celle de perdre la vue, de ne plus pouvoir communiquer par l’écriture. Il prépare une thèse sur Frantz Fanon. Il souffre d’une cataracte secondaire, qui l’empêche de lire et d’écrire, et limite sa reconnaissance de ses codétenus, sauf par la voix. Cela l’expose aussi à des chutes dans ses déplacements. Il est en état de faiblesse dans cet univers carcéral.
Bien que les médecins aient recommandé une intervention urgente, l’administration pénitentiaire n’a toujours pas donné son feu vert pour une opération au laser, peu coûteuse, dont l’effet serait immédiat. C’est une privation de liberté supplémentaire !
Il est évident que le déni de justice et l’absence de traitements médicaux montrent que c’est bien la mort « lente » du journaliste que les autorités ont choisie. La justice de Pennsylvanie a rejeté définitivement ses derniers recours, malgré de nouvelles preuves d’innocence apportées par sa défense.
Nous lui proposons d’acheter à manger dans les distributeurs autour de la salle avec la carte alimentaire. Il nous décrit ce qu’il souhaiterait, nous montre du doigt le distributeur, car il n’a pas le droit de bouger, de se lever de la table, ni de choisir un sandwich ou un yaourt avec des fruits frais.
Je lui parle du livre, Mumia : La plume et le poing, édité par Le temps des cerises, des artistes qui y ont contribué, du militantisme par l’image. Il semble fier de cette énergie collective, venue de tous ces artistes, et les remercie chaleureusement, avec beaucoup d’émotion.
Nous évoquons aussi la contribution et le soutien d’Angela Davis dans ce livre, sa présence à la Fête de l’Humanité pour lui, Mumia, et la ferveur lors de la dédicace en sa faveur.
Après trois heures de rencontre, ponctuées d’anecdotes et de rires, c’est la traditionnelle photo prise par un détenu dédié à cette tâche.
Nous ne récupérons les clichés qu’à la fin de l’entrevue et le garde nous glisse à l’oreille : « Mumia c’est mon ami... ». Mumia, lui, n’a pas le droit de garder un cliché…
Nous nous quittons en levant le poing en signe d’au revoir.
La porte se ferme...
La lutte continue pour sa libération !
Amplifions la mobilisation internationale pour sortir au plus vite Mumia de l’enfer carcéral !
Fred Garcia-Sanchez
Délégation : Jacky Hortaut (co-animateur du Collectif Mumia et représentant la CGT), Steve Zade (co-animateur du Collectif Mumia), Frédérique Garcia-Sanchez (Mouvement de la paix, coordinatrice et graphiste du livre d’art La plume et le poing).
Organiser une exposition des œuvres
Article publié dans CommunisteS, numéro 1044 du 4 juin 2025.