La bataille de l’acier est lancée

Publié le 21 mai 2025

Ils étaient nombreux devant le siège d’ArcelorMittal à Saint-Denis ce 13 mai. Les sidérurgistes n’entendent pas laisser la famille Mittal détruire la sidérurgie française.

Cela fait des mois - et même des années - qu’ils alertent, qu’ils interpellent, qu’ils se mobilisent et qu’ils martèlent que le financier indien est en train de saboter les capacités de production du pays. Des mois qu’ils prévenaient que des fermetures de sites et que des suppressions de postes allaient être annoncées.

Dresser le tableau du secteur suffisait pour s’en convaincre : désindustrialisation globale et donc baisse de la demande en acier ; désertion continue de la France par le groupe Mittal, stratégie financière et exigence de rentabilité toujours plus indécentes. Tous les indicateurs étaient au rouge.

Et pourtant la nation a besoin d’acier. Pour son industrie, pour ses ponts, pour ses routes, pour la transition énergétique et tant d’autres choses, la demande d’acier est amenée à augmenter très fortement dans les années qui viennent. Le mythe des « surcapacités » européennes tombe à l’eau. Pour être en capacité de répondre demain à cette demande, il faudrait investir aujourd’hui. Investir dans les outils et dans la formation.

La production sidérurgique ne se décrète pas, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton. Il faut planifier sur des années le redéploiement de la production – quitte à avoir des surcapacités momentanées. Mais tout cela est laissé entre les mains de Mittal qui, avec ses propres intérêts, fait le choix d’investir ailleurs, au Brésil, aux États-Unis et en Inde notamment. C’est sa stratégie de toujours. Épuiser les appareils productifs nationaux et s’en aller. Il est en passe de délocaliser toutes ses activités « à chaud » pour ne garder en France que ses positions stratégiques (le grand port de Dunkerque et celui de Fos-sur-Mer) où il pourrait y déverser des brames d’aciers. S’il a bon cœur, il nous laissera peut-être encore une production « à froid ». Quelques milliers de travailleurs lamineraient ces brames d’acier coulées à l’autre bout de monde pour occuper le marché européen.

Le scénario est déjà écrit, il est même en train de se réaliser. Mais les gouvernements successifs se refusent à agir. Ils condamnent la France à l’impuissance. C’est la vieille rengaine qui revient : « L’État ne peut pas tout » ; « l’État n’est pas là pour produire et pour vendre de l’acier » ; « l’État n’a pas de clients ».

Et, de l’autre côté, les médias reprennent en cœur les arguments de Mittal. On peut lire ici et là que si la sidérurgie française est en crise, c’est à cause de « l’ogre chinois qui dévore notre industrie ». C’est un argument qu’adorent répéter les dirigeants du groupe : « Rendez-vous compte ! La Chine produit plus de la moitié de l’acier mondial, 54 % contre à peine 15 % au début du siècle. » Mais ils oublient un point important. Les entreprises chinoises écoulaient l’année dernière 93 % de leur production sur leur marché intérieur, ce qui leur permettait à la fois de répondre à leurs besoins en matière de construction et de développement, mais aussi de répondre à la demande en acier des groupes occidentaux qui s’y sont installés.

On en trouve à la pelle de ces arguments qui sont démentis par les chiffres. Mais rien n’y fait, ils sont répétés, jusqu’au plus haut sommet de l’État.

Mais les sidérurgistes tiennent bon. Ils promettent de lancer une « nouvelle bataille de l’acier » et veulent faire entendre qu’on peut « produire du métal sans Mittal ». La bataille pour la nationalisation est lancée, les communistes sont en pointe.

Esteban Evrard 

membre du CN

Article publié dans CommunisteS, numéro 1042 du 21 mai 2025.