Dépense publique et fiscalité des entreprises

Publié le 04 septembre 2024

Les finances publiques sont une sorte de portefeuille qui regroupe les recettes et les dépenses des institutions publiques : État, collectivités locales, protection sociale, organismes publics.

Leur rôle est d’anticiper la situation économique en élaborant un budget selon des priorités politiques. La politique budgétaire dispose de deux outils principaux pour orienter la politique économique : la modulation des recettes et la modulation des dépenses. Se construit ainsi un budget pour agir sur la conjoncture à partir de mesures et de dispositifs interagissant sur les ressources et les actions publiques. Parmi ces moyens est la fiscalité et un gros morceau parmi elle, la fiscalité des entreprises.

Changer en profondeur la fiscalité des entreprises suppose d’avoir un aperçu dans de son évolution. Entre 1985, le tournant de la rigueur, et en 2024 le taux de l’IS a été ramené de 50 % à 25 %, la taxe professionnelle a été supprimée, remplacée par la contribution territoriale des entreprises à partir de 2010, elle-même mise en cause par Macron voulant en supprimer un pan entier, celui qui rapporte le plus la CVAE1.

Par ailleurs, l’IFA (impôt forfaitaire annuel), payé par toutes les entreprises y compris celles non bénéficiaires, a aussi été supprimé.

Voilà comment les entreprises ont été peu à peu dégagées de leur obligation contributive. Un cadeau qui s’élève sur 40 ans à un montant cumulé qu’on peut estimer à 500 milliards d’€. Pas besoin d’ajouter que la politique de contrôle de ces dernières années s’est allégée à un rythme identique à celui de la baisse de leur contribution pour en arriver aujourd’hui à une politique du contrôle fiscal réduite à peau de chagrin.

Mais l’aspect fiscal n’est pas tout ! S’y ajoute un ensemble d’aides, d’allégements de cotisations sociales sur les bas salaires dont le célèbre CICE (20 milliards d’€) et de dégrèvements qui représentent un total de 200 milliards d’€ distribués sans contrôle et sans contrepartie.

Et dire qu’on ose après cela nous servir d’incessants discours culpabilisateurs sur le montant du déficit public et sur l’insoutenabilité de la dette ! Le temps est venu de changer de cap en matière de politique et de financements publics. Il faut pour cela se doter de moyens d’intervention capables de matérialiser ce changement. Cela passe, entre-autres, par une nouvelle fiscalité des entreprises, lieu ô combien stratégique, vu que c’est là que se crée l’essentiel de la richesse. Cette réforme s’incarnerait dans la mise en place d’un nouvel impôt sur les sociétés : progressif pour tenir compte de la taille des entreprises, modulé pour inciter à l’utilisation de leurs bénéfices pour des investissements développant l’emploi, la formation, les salaires et respectant l’environnement, universel car y soumettant l’ensemble de leurs opérations et activités de production et financières. S’ajouterait un impôt local sur leur capital immobilier assorti d’une contribution sur leurs actifs financiers. Des droits nouveaux des salariés leur permettraient de saisir l’administration fiscale et d’en demander l’intervention. L’IFA serait rétabli.

Il s’agit de commencer à réorienter la gestion de l’argent des entreprises, de sa création jusqu’à son utilisation. Au lieu de servir toujours plus le capital, leur gestion doit être tournée vers l’efficacité sociale et environnementale et ainsi générer de nouvelles recettes pour les budgets publics et sociaux. C’est le chemin d’un renouvellement des politiques publiques visant la satisfaction des besoins humains et écologiques (services publics) et non à rationner la dépense, ce qui ruine tout espoir d’émancipation réelle de l’humanité.

Jean-Marc Durand

membre du Conseil national

Article publié dans CommunisteS, n°1008, 4 septembre 2024.