Courte victoire du SPD malgré une nouvelle percée de l’extrême droite
Après les succès de l’extrême droite aux parlements régionaux de Saxe et de Thuringe le 1erseptembre dernier, on attendait avec une certaine inquiétude l’issue du scrutin du Brandebourg, ce frontalier de la Pologne, lui aussi issu de l’ancienne RDA et qui entoure la capitale Berlin. Jadis, l’influence de Die Linke y était très importante, puisque de 2009 à 2019, le Brandebourg a été gouverné par une coalition SPD-Die Linke, qui constituait alors la deuxième force politique avec près de 20 % des voix. En 2019 déjà, Linke a perdu la moitié de ses voix et de ses sièges et l’AfD a plus que doublé son pourcentage, le Brandebourg étant dès lors gouverné par une coalition SPD-CDU-Verts sous la conduite de Dietmar Woidke (SPD), ministre-président (= chef du gouvernement) du Brandebourg depuis 2013.
La hausse de participation au scrutin du 22 septembre indique une forte mobilisation de l’électorat qui a profité au ministre-président sortant et aux deux partis populistes, l’Afd et la BSW de Sarah Wagenknecht.
Le SPD est parvenu à remonter son score par rapport à des sondages défavorables, en misant tout sur la popularité du ministre-président sortant, Dietmar Woidke, qui a su soigner son image de « Landesvater » (père du Land) en se démarquant du gouvernement fédéral et du Chancelier Scholz, non invité à venir soutenir la liste SPD. Du coup, cette courte victoire sur l’AfD permet au SPD fédéral de pousser un ouf de soulagement. Mais les deux partenaires locaux du SPD, la CDU et les Verts, font les frais du succès du SPD.
L’AfD donnée en tête par les sondages rate donc son objectif mais continue son inquiétante progression, avec de nombreux électeurs parmi les jeunes ; elle s’établit comme dans les autres Länder de l’Est à un niveau élevé d’environ 30 %. L’autre progression spectaculaire est celle de la BSW de Sarah Wagenknechtqui a mobilisé bien au-delà de l’électorat gagné sur Die Linke, notamment parmi les abstentionnistes. Mais comme en Saxe et en Thuringe, son succès n’empêche pas la montée de l’AfD.
Les deux grands perdants de l’élection sont les Vertsqui ne seront plus représentés au Landtag alors qu’ils faisaient partie du gouvernement sortant du Land et surtout Linkequi subit une véritable débâcle électorale, là où elle était naguère bien implantée. Pour la première fois depuis la réunification, Die Linke ne sera plus représentée dans un Landtag de l’ancienne RDA, ce qui amène la direction fédérale à parler de « césure » dans l’histoire du parti.
Dietmar Woidke (SPD) restera donc chef du gouvernement du Land, mais sans majorité absolue s’il gouverne avec la seule CDU. Tout comme en Saxe et en Thuringe, l’attitude de la BSW de Sarah Wagenknecht est incertaine : au Brandebourg, elle peut tolérer une coalition SPD-CDU ou bien entrer dans une coalition avec ces deux partis.
Il reste que la coalition au pouvoir à Berlin (SPD-Verts-Libéraux) est toujours aussi faible politiquement, rejetée par les urnes, sans que la CDU apparaisse comme une alternative face à la progression de l’AfD et sans alternative de gauche. Une situation à haut risque avant les élections fédérales prévues pour l’automne 2025.µ
Alain Rouy, Collectif Europe, secteur international du PCF
Article paru dans CommunisteS n°1011 - 25/09/2024