En direct avec le comité central

Publié le 04 juin 2025

Dans l’océan d’archives mises à disposition de tou·tes par le Parti communiste avec les Archives départementales de la Seine-Saint-Denis (AD93), les enregistrements audio des séances du Comité central ne manquent pas de retenir l’attention. On s’installe dans une petite cabine attenante à la salle de lecture des Archives départementales. Casque sur les oreilles. Lecture. Vous y êtes. Vous êtes au Comité central, comme si vous étiez assis quelque part entre Maurice Thorez, Jacques Duclos et Marie-Claude Vaillant-Couturier, à moins que ce ne soit entre Laurent Casanova et Aragon ou, plus près de nous, entre Francette Lazard et Roland Leroy, à deux pas de Georges Marchais, de Pierre Juquin, Mireille Bertrand ou Jack Ralite. La machine à remonter le temps marche à plein. C’est peut-être d’abord ça, les enregistrements sonores : le rêve réalisé d’être la petite souris qui s’est glissée en territoire d’Histoire et qui n’en manque pas une miette.

Cela fait bien longtemps que cette expérience est possible, à Bobigny, grâce à l’équipement de ce service public d’archives, à la compétence de ses agents et aux choix faits par la direction du Parti communiste à partir du début des années 1990 (1993, exactement) : ouvrir à toutes et tous les archives de la direction nationale du PCF. Des craintes ? Il y en eut ; il en demeure peut-être, mais le secret n’a jamais empêché la calomnie, les légendes noires paresseusement colportées. Non, depuis le début des années 1990, l’orientation n’a pas varié : ouvrir, ouvrir, ouvrir. Les communistes n’ont rien à craindre de ce choix qui détonne dans le monde politique : en jouant toutes cartes sur table, ils donnent à voir (et à entendre !) leurs positions, le cheminement qui les amenés à les prendre, les débats… Un matériau prodigieux pour l’historien professionnel mais qui peut être très précieux aussi pour une réflexion proprement politique. Si on n’a pas l’esprit embourbé dans les passions mécaniques de la réduplication, on gagne toujours pour le présent à se confronter à une élaboration politique de haut niveau, qu’elle ait 40 ans ou 70 et ce, quelles qu’aient pu être ses failles ou ses limites.

En donnant son plein accord à la mise en ligne par les AD93 de ces enregistrements audio du Comité central longtemps conservés sur des supports très variés et consultables exclusivement à Paris puis à Bobigny, la direction du PCF poursuit donc cet élan plus que trentenaire. Que les oreilles s’ouvrent !

Bien sûr, c’est là que les problèmes commencent, d’une certaine façon : cette plongée dans le Comité central qui tâche d’analyser concrètement une situation pour nous très concrètement révolue n’est pas si facile à suivre ni à comprendre si on n’a pas en tête les enjeux et les réalités du moment. C’est aussi la confrontation à une manière particulière de s’exprimer qui peut entraîner, si on n’y prend garde, bien des contresens. Reste que, désormais, tout un chacun, chez lui, dans le métro, le train ou la voiture, pourra retrouver la plupart des sessions du Comité central du PCF entre le début des années 1950 et 1968 (bientôt 1975, puis 1994, et il faudra envisager la suite car les enregistrements se sont poursuivis bien après cette dernière date qui reste à cette heure la borne chronologique finale de l’accord qui lie aujourd’hui le PCF et les AD93).

En tirant un certain nombre de fils possibles, en suivant un certain nombre de questions, France Culture vient de proposer une première exploration pour le grand public de ce fonds singulier à l’occasion de sa mise en ligne. Pendant une semaine, « La Série documentaire » a ainsi été consacrée aux archives sonores du PCF, sous la houlette d’Anne-Toscane Viudès. Éclairages contemporains et archives alternent pour aider à toucher du doigt une époque, un matériau qui n’ont pas fini de nous parler.

La série peut être réécoutée sur le site de France Culture ; le Comité central, sur celui des AD93.

Guillaume Roubaud-Quashie

secteur Archives et mémoire du PCF

 

Article publié dans CommunisteS, numéro 1044 du 4 juin 2025.