Le succès de l’AfD aux élections locales en Allemagne, après les résultats aux européennes, confirme la montée en influence de l’extrême droite en Europe. En France, les désistements au 2e tour des législatives ont permis de contenir la présence du RN à l’Assemblée nationale. Reste l’avertissement sévère du résultat global qui rend crédible son accès au pouvoir dans un contexte favorable.
Dans plusieurs pays ces forces participent à des gouvernements ou à des majorités (Pays-Bas, Finlande, Suède, République tchèque, Slovaquie, Autriche) ou y ont participé (Pologne, Pays baltes). En Italie, Giorgia Meloni des Fratelli d’Italia (néofasciste) préside le gouvernement. On ne peut plus considérer ces partis comme marginaux. Au-delà des différences stratégiques, des thèmes communs les identifient (nationalisme ethnique, racisme, haine de l’Islam, autoritarisme). Depuis les années 2000, l’immigration comme menace (associée à l’Islam et à l’insécurité) devient un clivage politique structurant.
Dans la diversité des ressorts de la percée de l’influence, le déclassement, notamment pour les milieux populaires, incluant les « classes moyennes », occupe une place centrale. Cette réalité, vécue ou menaçante, est amplifiée par les politiques libérales et sociales-libérales et de l’Union européenne menées dans le contexte de la mondialisation capitaliste néolibérale. En réponse à l’affaiblissement des clivages et des repères de classe qui s’ensuivent, se substituent les repères identitaires libérant le champ à l’extrême droite.
La stratégie d’accès au pouvoir passe par la « respectabilité » et les alliances. Respectabilité par la prise de distance avec l’histoire et leurs origines, notamment des années 1930. Alliances avec les droites sur la base d’une « hybridation » : modération à l’extrême droite et durcissement des droites sur des thèmes comme l’immigration. De telles alliances sont au cœur des recompositions et face aux risques de victoire de la gauche.
La « normalisation », cependant, se heurte à des limites. Au Parlement européen, siègent avec Bardella l’AfD, Orban (Hongrie), le FPÖ d’Autriche, Vox (franquiste). L’« hybridation » n’est pas homogène ni systématique. L’état des opinions, les campagnes d’information, les interventions citoyennes et sociales, les prises de position syndicales, d’institutions religieuses, les débats et l’expérience de l’histoire, les batailles politiques pèsent dans le rapport de forces. La capacité de résistance dont a témoigné le 2e tour des élections législatives en France - barrage et création du NFP - est à verser à l’analyse.
Il s’agit dans le même mouvement de lever le leurre démocratique et l’imposture sociale. À gauche, avec les réponses aux urgences sociales et démocratiques, il s’agit de revendiquer l’ambition d’une politique pour un véritable changement. Le chemin ouvert pour « la reconquête des milieux populaires » et les « jours heureux » participe d’une telle démarche, fondée sur la conviction qu’il n’y a rien d’inéluctable.
Daniel Cirera
Article publié dans CommunisteS, n°1008, 4 septembre 2024.