Il est urgent de construire une alternative de paix
Le secrétaire général de l’OTAN, le Néerlandais Mark Rutte, désigné à cette fonction le 1eroctobre 2024 après avoir été pendant 14 ans Premier ministre des Pays-Bas, a donné la mesure de la flagornerie des Européens envers Donald Trump en disant de lui que « Daddy doit parfois hausser le ton ». Et c’est bien ce qu’ont fait les Etats-Unis en amont et lors du Sommet de l’OTAN qui s’est tenu à La Haye les 24 et 25 juin.
Sous la pression de Trump et des USA, les membres de l’OTAN ont décidé d’augmenter de manière colossale leurs dépenses militaires en les portant à 5 % du PIB d’ici 2035. Cet engagement comporte deux volets : d’une part, les Alliés s’engagent à porter d’ici 2035, à au moins 3,5 % la part du PIB consacrée chaque année au financement des besoins ayant trait à la défense proprement dite et à la réalisation des objectifs capacitaires de l’OTAN ; d’autre part, ils investiront jusqu’à 1,5 % du PIB dans la protection des infrastructures critiques et des réseaux et le renforcement de leur base industrielle de défense.
L’OTAN s’affirme plus clairement que jamais comme une alliance militaro-industrielle, une alliance agressive qui s’est mondialisée et accroît ses capacités à intervenir bien au-delà de l’espace euro-atlantique des origines afin de « contenir » ceux qu’elle désigne comme « les rivaux systémiques » de l’ordre capitaliste occidental, à savoir la Russie, mais aujourd’hui en tout premier lieu la Chine. Mark Rutte, toujours le même, fait plus qu’assumer ces décisions, il en félicite le président américain en lui adressant ce tweet que Trump s’est empressé de publier : « Vous allez réaliser quelque chose qu’AUCUN président américain n’était parvenu à faire durant des décennies. » Et Rutte d’affirmer : « L’Europe va payer un prix ENORME comme elle le devait, et ce sera votre victoire », en utilisant les majuscules à la manière de Trump dans ses propres messages.
Autant dire que « l’autonomie stratégique européenne » dont Emmanuel Macron se voulait le champion est totalement absente de la déclaration finale, alors qu’il est écrit en toutes lettres : « Nous réitérons notre engagement commun à développer rapidement la coopération entre les industries de défense de part et d’autre de l’Atlantique et à mettre les technologies émergentes et l’esprit d’innovation au service de notre sécurité collective ». « De part et d’autre de l’Atlantique », on sait qui fournira les armées européennes ! Et la France qui après les décisions de l’OTAN va voir ses dépenses militaires passer de 50 milliards à environ 130 milliards d’euros par an, n’a rien dit ! On ne peut que regretter que la France qui a su à une autre époque se faire entendre à l’OTAN, finisse désormais toujours par se ranger.
Seule l’Espagne a eu le courage de faire entendre une voix à contre-courant, s’exposant à des menaces de représailles commerciales de la part des États-Unis. Les autres pays européens, y compris ceux qui ont des gouvernements sociaux-libéraux comme le Royaume-Uni de Keir Starmer, se sont alignés sans mot dire. Dans les rangs du SPD en Allemagne, un manifeste réunissant d’anciens responsables et ministres fait grand bruit en s’opposant au cours belliciste et aux 5 % exigés par l’OTAN. Cela reste sans aucune influence sur la position du gouvernement fédéral de coalition CDU-SPD. Pour notables qu’elles soient, ces réactions restent bien trop timides pour inverser les choses au sein de l’OTAN. Il convient cependant de noter les nouvelles fractures que cela ouvre en Allemagne. Il n’en demeure pas moins que le sommet de La Haye a illustré la vassalisation accompagnée d’une forme d’humiliation des alliés européens de la part des USA.
Les militants politiques, syndicaux et pacifistes réunis le week-end précédent pour un contre-sommet et une manifestation dans les rues de La Haye sont bien conscients de la faiblesse actuelle du mouvement pacifiste européen et mondial. Aux côtés de représentants d’organisations politiques, des organisations de la société civile ont appelé à constituer un vaste mouvement de refus des augmentations des dépenses militaires et aux nécessaires mobilisations en Europe, à l’unisson du mouvement anti-guerre qui doit se développer sur toute la planète.
De nouveaux rendez-vous sont en préparation, au niveau européen et international, non seulement pour protester mais pour apporter des réponses et soumettre des alternatives à la guerre sans fin que nous promet l’OTAN. À nous de hausser le niveau en France pour dire non à l’OTAN, non aux guerres, non à l’économie de guerre et à la militarisation de la société. À nous de promouvoir le multilatéralisme, la coopération, la sécurité collective et la paix.
Alors que s’aggrave la militarisation de l’Europe, encouragée par une Union européenne soumise à l’OTAN, il est urgent d’organiser la sortie du commandement intégré de l’OTAN comme première étape vers la sortie et la dissolution de l’OTAN, au bénéfice d’une construction européenne de sécurité collective reprenant les principes de l’acte final de la déclaration d’Helsinki.
Alain Rouy,
secteur international du PCF
Article publié dans CommunisteS, numéro 1048 du 02 juillet 2025.