Une politique de paix n’est pas une capitulation

Publié le 29 mars 2024

Les parlementaires communistes ont pris leurs responsabilités en votant contre l’accord de sécurité qui lie la France à l’Ukraine. Que n’a-t-on pas alors entendu ? Nous serions « munichois » !

Il faut bien sûr dénoncer le caractère proprement insultant de ce qualificatif et son non-sens historique, alors que le PCF fut le seul parti français à voter contre les accords de Munich à la Chambre des députés le 4 octobre 1938 et qu’il soutint l’entrée en guerre de la France contre le nazisme en votant les crédits militaires le 2 septembre 1939.

Au-delà de ses rappels utiles en cette période de confusion entretenue, de désinformation, et de révisionnisme historique anticommuniste, cette misérable comparaison avec les honteux accords de Munich signifierait que les partisans de la paix seraient des capitulards.

Ce qui revient à poser une autre question : une politique de paix est-elle une politique de capitulation ?

Spoiler : non.

Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie d’un pacifisme abstrait mais d’une politique de paix, fondée sur une conception émancipatrice des relations internationales portée par les intérêts des peuples et sur la solidarité internationale. La paix n’est pas neutre ou idéaliste. C’est un projet politique émancipateur. C’est Jaurès qui développa cette exigence, en soulignant la nécessité d’initiatives politiques et d’arbitrage international, tout en proposant une démarche novatrice et républicaine de la défense populaire et nationale. Cela implique de solutionner les causes des conflits et d’envisager sérieusement les questions de sécurité collective, pour concevoir les conditions d’une paix juste et durable.

En ce qui concerne en particulier l’Ukraine, deux niveaux de conflits sont imbriqués : l’invasion du pays dont le régime russe dénikinien de Vladimir Poutine porte la responsabilité d’une part, et les crises sécuritaires européennes non réglées depuis la fin de la guerre froide (plus précisément : le fait que toutes les alertes s’inquiétant de la politique d’extension de l’OTAN vers l’Est n’aient pas été entendues).

Cela impose de porter des exigences politiques à ces deux niveaux mais d’un même mouvement.

D’une part tenir compte que cette guerre a un agresseur et un agressé. L’Ukraine a le droit de se défendre comme le stipule l’article 51 de la charte des Nations unies et à être aidée pour ce faire. Cela ne signifie pas mettre sous silence nos critiques de la politique du gouvernement actuel de l’Ukraine, notamment l’interdiction des partis d’opposition, dont le Parti communiste d’Ukraine. Cette aide a des lignes rouges : ne pas s’engager dans l’engrenage de la guerre ! C’est-à-dire : ne pas envoyer de troupes au sol, ni fournir d’armes capables de frapper le territoire russe. C’est parce que l’accord de défense supprimait de fait ces lignes rouges qu’il est important de s’y opposer.

D’autre part, deux ans de guerre, s’accompagnant de plusieurs centaines de milliers de victimes, ont confirmé ce que le PCF dit depuis 2022: il n’y a pas de solution militaire. D’ailleurs, notons que l’opinion publique ukrainienne est désormais très divisée sur le sujet : plus de 40% des Ukrainiens souhaitent la recherche d’une solution négociée. Quant au régime au pouvoir à Moscou, il ne s’est nullement effondré et est en train de ressouder ses différentes ramifications autour du bellicisme et du nationalisme, en s’appuyant sur une situation économique qui pour le moment reste favorable. Il se nourrit donc de la guerre.

La solution politique et diplomatique qui est nécessaire n’est pas une capitulation de l’Ukraine. D’ailleurs, aucun des plans de paix qui sont sur la table n’avance une telle perspective. Les principes sont clairs, et se fondent à la fois sur le droit des peuples à l’auto-détermination et sur la sécurité collective. L’indépendance de l’Ukraine n’est pas négociable, de même que l’ouverture des discussions pour la refonte du système sécuritaire européen : la neutralité de l’Ukraine sous garanties de l’ONU ce qui implique que l’Ukraine n’entre ni dans l’OTAN, ni dans l’UE ; la négociation d’un traité européen de sécurité collective, sortant la défense européenne de l’hégémonie de l’OTAN et des États-Unis, et permettant la reprise des négociations d’un désarmement global et multilatéral.

Donc, rien à voir avec Munich qui organisa le désarmement politique et moral face au nazisme.

La liste Gauche unie pour le monde du travail, conduite par Léon Deffontaines, continuera à porter ces exigences pour une politique de paix et de sécurité collective, telle que cela est stipulé dans le programme adopté le week-end par le conseil national du PCF.

Vincent Boulet,
membre de l'exécutif national du PCF
chargé des relations internationales